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Le beurre, l’argent du beurre, et la crémière libérale
Première publication : jeudi 7 février 2013,
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Ah ces méchants médecins libéraux qui se dorent la pilule au soleil pendant que les vieux agonisent dans leurs campagnes sous-médicalisées !
Le sujet est récurrent et chaque article sur les déserts médicaux reçoit son lot de commentaires poujadistes :
C’est nous qu’on paye, y’a qu’à les forcer à s’installer dans les campagnes, merde !
Les médecins libéraux ne réagissent même plus à ces rodomontades. Ils savent que le vrai problème est plus grave : les médecins ne s’installent plus en libéral, nulle part, pas plus en ville qu’à la campagne. La médecine libérale est un enfer doré qui conduit à un taux de suicide supérieur à celui de France-Télécom et [repousse les jeunes diplômés.
Si je réagis aujourd’hui, c’est parce que ce discours est tenu dans Le Monde par un confrère, professeur des Universités et responsable du pôle santé d’un “think tank” en vue.
Autant lire des âneries sur ma profession de la part d’un quidam est désagréable mais excusable, autant c’est insupportable sous la plume d’un confrère qui fait preuve à cette occasion d’une profonde méconnaissance de son sujet.
Il est impossible de conjuguer les avantages de différents systèmes sans en accepter les contraintes
Les médecins de ville sont des libéraux, c’est à dire qu’ils ne sont pas salariés. Il est faux de dire qu’ils sont payés par la collectivité. Certes, l’Assurance maladie, dans le cadre d’un contrat appelé Convention, utilise les charges sociales prélevées sur les salaires pour financer les soins et solvabilise ainsi la clientèle des médecins. Mais les libéraux ne sont pas plus payés par la collectivité que les peintres en bâtiment ou les garagistes ne le sont par les assureurs.
La productivité des libéraux est phénoménale
Les médecins libéraux ont une caractéristique difficile à appréhender par un médecin salarié comme le Pr Camilleri : leur très forte productivité.
Le regretté Raymond Vilain, célèbre pour ses aphorismes, avait fait scandale il y a 40 ans en écrivant à propos de ses éminents confrères :
Le seul plein-temps à l’hôpital, c’est le staphylocoque !
Il avait refusé d’être professeur salarié exclusif comme l’imposait la réforme de 1958, pour garder son activité libérale. Il brocardait par cette saillie ceux qui l’accusaient de ne pas pouvoir gérer son service à mi-temps.
À l’Assistance Publique de Paris, un médecin des hôpitaux consulte rarement plus de deux demi-journées par semaine ; la “visite du patron” est passée de mode ; les chefs de cliniques et les internes gèrent les problèmes au quotidien. L’occupation des huit autres demi-journées du chef de service est parfois mystérieuse, même si je ne sous-estime pas la lourdeur des tâches administratives, la charge d’enseignement et la fonction de recherche. Je suis conscient de donner moi aussi dans le cliché, mais ceux qui connaissent ce milieu de l’intérieur savent à quel point la faible productivité de certains hospitalo-universitaires est problématique.
Loin de moi l’idée manichéenne du fonctionnaire paresseux opposé au bourreau de travail libéral. Les hommes ne sont pas en cause. C’est le système qui modèle les comportements. Le libéral cherche et trouve en permanence des procédures pour augmenter sa productivité et chasse le temps gaspillé. Le salarié a d’autres préoccupations, qualitatives notamment. Mais le constat est clair, la productivité n’est pas la même.
Dans un article récent, la revue Pratiques et Organisation des Soins (CNAMTS) propose un graphique qui compare les caractéristiques de la production de soins libérale et salariée au Québec
La productivité libérale dépasse le double de celle des salariés. En revanche, et logiquement, d’autres critères d’évaluation du soin sont meilleurs pour les salariés : notamment la globalité de l’offre. Pour l’accessibilité, la situation est complexe en France car les consultations hospitalières programmées imposent des délais rédhibitoires, alors que les urgences sont ouvertes à tous jour et nuit.
Le mirage du salariat au tarif libéral conventionnel
Ce contraste a échappé à certaines mairies qui ont tenté de mettre en place des Centres de santé conventionnés, avec l’idée naïve que les honoraires perçus auprès des patients ou facturés à l’Assurance Maladie permettraient de payer les salaires des médecins.
Mauvaise idée. Le gouffre financier résultant de ce mirage a conduit ces centres à la faillite après avoir creusé le déficit de ces mairies imprudentes. Pourquoi ? Parce que la productivité de ces centres était beaucoup plus faible que celle des médecins libéraux. Un médecin libéral peut vivre avec une consultation à moins de 30 euros en travaillant beaucoup et sans perdre de temps. Pour des salaries, c’est impossible.
Un centre faisant travailler des médecins salariés voit leur productivité s’effondrer et des frais connexes de secrétariat grever son maigre budget. Les charges sociales des salariés sont supérieures à celles des libéraux.
Une consultation réalisée par un médecin salarié coûte 80 euros
Nous avons une idée précise du coût d’une consultation réalisée par un médecin salarié grâce à la médecine du travail. Tout le monde connaît ces consultations systématiques financées par les employeurs. Elles sont proches d’une consultation de médecine libérale standard : interrogatoire, examen, courrier éventuel. Or le coût d’une consultation en médecine du travail (facturé aux entreprises) est de l’ordre de 80 euros. Si nous retranchons le bénéfice de la société commerciale qui emploie ces médecins, nous arrivons au chiffre de 70 euros, qui correspond d’ailleurs au tarif moyen d’une consultation dans les pays ayant notre niveau de vie.
Le calcul analytique du coût d’une consultation en centre de santé aboutit à un chiffre équivalent, voire supérieur, d’où la non-viabilité de ces centres hors subvention.
Une consultation par un médecin salarié coûte donc trois fois plus cher que les 23 à 28 euros de la consultation conventionnée du médecin libéral. Par ailleurs, les médecins libéraux voient couramment 30 personnes par jour, et parfois bien plus. Un médecin salarié ne reçoit qu’exceptionnellement autant de patients en une journée.
Pour obtenir la production de soins de la médecine libérale avec des médecins salariés il faut tripler le budget que l’assurance maladie consacre à la médecine ambulatoire, et doubler le nombre de médecins. La France y est-elle prête ? Est-ce seulement possible ?
Seuls les salariés peuvent être affectés autoritairement à un poste de travail par leur employeur
Certains pensent comme le Pr Camilleri que ces arguments ne sont pas recevables et qu’il faut passer à des mesures coercitives pour contraindre les médecins libéraux à travailler dans les zones où les commerces, la Poste et l’école ont pourtant déjà plié bagage.
Ils oublient un détail : on peut limiter l’installation dans les villes, mais ce n’est pas pour cela que les jeunes iront s’installer à la campagne. Ils préfèreront remplacer ponctuellement ou régulièrement des médecins débordés, vieillissants ou souffrants. On peut restreindre l’installation dans certaines zones urbaines ou ensoleillées, mais on ne peut pas, légalement, forcer les jeunes libéraux à s’installer là où ils ne veulent pas aller.
Des mesures coercitives n’auraient aucun impact sur les zones sous-médicalisées, et dépeupleraient les zones épargnées jusqu’ici par la désertification.
L’existence de zones surmédicalisées est un mythe
Dernier point : il faut tordre le cou à l’idée qu’il existerait des zones surdotées et d’autres privées de médecins. Le désert est partout car les médecins libéraux ne s’installent plus nulle part. Certains arrondissements de Paris ont une densité de médecins généralistes inférieure à celle de départements ruraux. Il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul : c’est toute la médecine libérale qui est en train de disparaître.
La pyramide des âges de la médecine libérale (toutes spécialités) montre que l’âge moyen est élevé et que les maigres arrivées ne compensent pas les départs imminents (source CNOM).
Savez-vous pourquoi nous en sommes là ? Parce que les Ministres sont conseillés depuis 20 ans par une caste hospitalo-universitaire du calibre du Pr Camilleri, qui n’ont aucune connaissance de la médecine libérale ni respect pour les praticiens de terrain. La médecine libérale n’a pas résisté à leur vision hospitalo-centrée de la médecine. Et il est trop tard pour revenir en arrière.
Si vous voulez restaurer un maillage géographique de médecins généralistes, de pédiatres, de chirurgiens, d’accoucheurs, c’est très simple : créez des postes de médecins fonctionnaires et lancez des appels à candidatures. Mais il faudra payer plus cher, car les hôpitaux ruraux, confrontés au même problème, n’attirent généralement que des médecins étrangers avec les maigres salaires proposés. Prévoyez de tripler au minimum le budget actuel de la médecine de ville et de doubler les effectifs médicaux pour aboutir à la même “production” sanitaire. Prévoyez aussi dans l’environnement proche des commerces, une poste et une école, car tous les médecins ne sont pas des ermites célibataires et l’argent n’est pas tout. Même à prix d’or, les jeunes diplômés n’iront pas s’enterrer dans un désert social.
Certains médecins hospitalo-universitaires parisiens, maîtres de l’université, interlocuteurs quasi exclusifs des ministres, ont eu la peau de la médecine libérale. Ils pourraient avoir la décence de cultiver la discrétion, face au désastre dont ils sont en grande partie responsables.
Messages
30 mai 2012, 00:15, par DM
Une petite comparaison. On dit souvent que l’ingénieur (ou personne non diplômée comme tel, mais qui en fait office) de start-up est bien plus productif que son collègue dans une grande société...
18 juillet 2012, 12:29, par Marc T.
Apparemment, le Centre de Santé Municipal de la Ferté Bernard fonctionne encore :
http://www.lemainelibre.fr/actualite/la-ferte-bernard-la-ville-recrute-deux-medecins-pour-son-centre-de-sante-27-06-2012-37746
28 août 2012, 16:45, par Dr Christophe LACOMBA
Cher confrère,
je suis tout à fait d’accord avec ton analyse. Mais ayant été moi-même libéral et actuellement médecin du travail depuis 13 ans, je tiens à critiquer la comparaison économique faite avec la médecine du travail : tout d’abord nous ne travaillons pas (en service inter-entreprises) pour des sociétés commerciales mais pour des organismes ayant un statut loi 1901 (donc, n’ayant pas le droit de faire des bénéfices.) Deuxio : les 80 € que tu cites ne correspondent pas qu’au temps clinique (la consultation) puisque tu sais qu’un tiers de notre temps est consacré à l’action sur le milieu de travail, et que l’on aille dans une entreprise donnée une fois tous les 5 ans ou 10 fois dans l’année, ce temps ne leur est pas facturé ! Egalement, chaque visite supplémentaire (visite de reprise, de prè-reprise, sur notre demande - salarié qu’on veut revoir, visite spontannée sur demande du salarié même...) n’est pas non plus facturée. Ce sont des éléments que l’on doit fréquemment rappeler aux employeurs adhérents quand ils nous reprochent "le prix de notre visite." Par ailleurs, cette cotisation employeur (basée sur un forfait par salarié et par an + éventuellement un droit d’entrée ou cotisation d’appel, qui diffère d’un service de santé au travail (S.S.T.) à l’autre) est la seule ressource de ce S.S.T. et sert également à financer les autres personnels (secrétaires, administratifs etc...) dont aussi maintenant, au nom de la pluridisciplinarité introduite par l’Europe (1989), peuvent intervenir dans l’entreprise (études ergonomiques, études de poste, conseils, métrologie...) : la plupart de ces interventions ne sont pas facturées non plus ! Tout ceci pour dire que le coût de l’acte d’un médecin soignant salarié n’est pas comparable au coût de l’activité d’un médecin du travail. Ceci dit, vu le code du travail, si on devait payer les heures supplémentaires, les heures de nuit aux médecins généralistes parce qu’ils étaient salariés, le coût serait certainement très élevé !
7 février 2013, 09:00, par Dominique Dupagne
Merci pour ces précisions, notamment sur le statut non commercial des sociétés qui gèrent la médecine du travail.
Pour ce qui est du travail non facturé, les libéraux sont bien placés aussi : visite à l’hôpital, téléphone, certificats de décès, gestion des courriers, lectures des résultats d’examen.
Quand aux coûts administratifs, ils représentent ceux d’un médecin libéral qui serait correctement entouré pour faire son travail.
19 novembre 2012, 13:59, par Galathea
Un avis de patient pour changer - Je trouve que le Dr Camilleri qui arrondit quand même ses fins de mois en pratiquant des interventions dans une clinique privée du 15e arondissement, est gonflé de recommander le placement autoritaire de ses jeunes confrères en zones insuffisamment desservies médicalement ! Il connait très bien les problématiques liées à l’exercice libéral....
Je ne sais pas si la formule lui aurait convenu en démarrant sa carrière...... lui qui exerce dans un quartier parisien assez huppé et en pratiquant des dépassements d’honoraires très lucratifs (si, si).
En d’autres termes : faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais
7 février 2013, 10:35, par bleu horizon
Bonjour,
Avant toute chose, il est important de regarder la France par rapport aux autres pays de l’OCDE.
Nous remarquons que notre écart type est plutôt bon. Pour le nombre de praticiens par habitant nous sommes dans la moyenne (3,3/1000 Habitants pour la France
moyenne 3,1/1000 habitants sachant que les données pour la France incluent non seulement les médecins dispensant des soins aux patients, mais aussi ceux exerçant dans le secteur de la santé en tant qu’administrateur, professeur, chercheur ajoutant 5 à 10 % de médecins, et ce contrairement aux autres pays), nous ne sommes donc pas surdoté comme certains voudraient nous faire croire nous n’avons pas non plus une super mauvaise répartition.
Le problème des déserts médicaux, c’est un problème de politique d’aménagement du territoire. Que faire quand les labos ferment, les pharmacies ferment, les hôpitaux ferment, les maternités ferment, les urgences ferment. Au-delà de toutes les autres considérations (juridique, économique, sociologique), que peut faire un médecin tout seul dans coin, il n’est pas là pour donner un faire valoir à l’ARS et au politique. Je comprends que certains nombres médecin ne veulent pas travailler dans ces conditions (alors qu’il existe des solutions).
7 février 2013, 15:00, par bob
voici le nouveau lien pour
"caste hospitalo-universitaire"
http://martinwinckler.com/spip.php?article=942
18 février 2013, 22:09, par Nicolas Rombauts
Qu’en est-il en Angleterre et en Italie, ou le payement à l’acte n’est pas la règle (même si ce n’est pas vraiment du salariat non plus) ? Avez-vous des données sur leur productivité ?
Ce document apporte quelques réflexions sur le sujet (en anglais), mais pas de données chiffrées : Physician Productivity in the UK NHS
http://rcpsc.medical.org/publicpolicy/imwc/9_phyprod_uk.pdf
"Historically, it appears that there has been an implicit assumption that ‘productivity’
per doctor is constant, and therefore overall activity can only be affected by
increasing the size of the medical (and more recently clinical) workforce. This limits
the potential to make any changes without the substantial time lag of training more
clinical staff. It also neglects the role of incentive systems, both financial (e.g.
payment methods) and non-financial (e.g. regulation) in influencing rates of
productivity. There may be potential for improving productivity of this workforce, for
example by changing reward systems and incentive structures, or by better
regulation and management, challenging the assumption that the only way to
increase activity in the NHS is to increase the number of clinical staff."
19 février 2013, 02:21, par ingrid
Bonjour,
Vous dites que les maigres salaires des petits hôpitaux de province ne vont attirer que les médecins étrangers. J’ai été soignée justement un jour en déplacement dans un de ces petits hôpitaux par un médecin africain très compétent et par des infirmières étrangères aussi, ils ne parlaient pas un français parfait mais étaient professionnels et aimables, alors en quoi est-ce un problème ?
Je vous fais part de mon ressenti de patient bien sûr, mais je suis depuis quelques temps les doléances des médecins dans les médias, je voulais plaider un peu la cause des "français moyens" qui se sont pris la crise en pleine figure depuis des années, qui ne sont pas assez pauvres pour toucher la CMU et trop pauvres pour payer des dépassements d’honoraires.
Je fais le même métier que mes parents, mais mes proches et moi vivons beaucoup moins bien qu’eux dans les années 80, nos logements sont plus petits, nos sorties sont plus restreintes, nos vacances carrément rares, une fois qu’on a payé le loyer, le gaz, l’électricité, les assurances, il reste juste de quoi acheter de la nourriture relativement saine, du shampoing, dentifrice et de quoi être habillé proprement.
Les médecins ont souvent comme arguments que les patients payent bien 100 euros une facture de plombier (un homme rustre qui n’a pas fait d’études), dépensent pour leur bagnole ou leur écran plat, que leurs amis qui ont fait HEC ou l’X gagnent beaucoup qu’eux qui ont fait 12 ans d’études, etc.
Je n’ai pas de smartphone, je fais les réparations et le bricolage moi-même, et je ne connais personne parmi mes proches ayant fait appel à un plombier dans sa vie (les fiches Castorama suffisent largement).
Et les parents qui préfèrent s’acheter des gadgets technologiques plutôt que payer des médecins pour soigner leurs enfants sont une infime minorité maltraitante, j’ai des amis qui ont une enfant handicapée, tout leur budget lui est consacré.
Pour moi payer un dépassement d’honoraire élevé est un luxe (ma mutuelle (qui me coûte cher pourtant) ne rembourse pas les dépassements du secteur 2), ce luxe je me le suis offert quand j’ai dû me faire opérer pour un pépin de santé, parce que je n’ai pas trouvé de spécialiste conventionné secteur 1 (libéral ou à l’hôpital) qui puisse me prendre avant six mois.
Il faut que les médecins, qui viennent souvent de milieux aisés, prennent conscience que les "français moyens" sont devenus pauvres par rapport aux décennies passées, qu’ils se serrent le ceinture, et que ce n’est pas qu’ils ne veulent pas, mais bien qu’ils ne peuvent pas payer des consultations chères.
Il faut garder le sens des réalités : un consultant qui a fait une Grande Ecole ou un avocat d’affaire a comme clientèle des entreprises millionnaires, un médecin a comme clientèle les habitants de son quartier.
Quant aux fameux plombiers ou garagistes, je peux vous assurer qu’eux et leurs enfants ont un train de vie très inférieur à tous les simples généralistes (je le constate parmi les élèves).
Alors je sais que ma position va sûrement vous paraître béotienne, mais pourquoi justement ne pas faire venir des médecins étrangers , pour qui le "maigre salaire" que vous évoquez sera toujours supérieur au salaire du pays d’origine ?
Les médecins français menacent toujours de s’exiler en Suisse ou aux Etats-Unis (ce qui est amusant quand on y a vécu et qu’on connait l’opinion des Américains sur les Français) en disant "bien fait pour les malades français radins ils n’auront plus personne pour les soigner", et bien je vous assure que la plupart des malades pauvres ne verraient aucun inconvénient à être soignés par des étrangers.
Dans les pays d’économie de marché le recours à l’immigration a toujours eu lieu pour les secteurs en crise, pourquoi pas pour le secteur médical, de très nombreux médecins sont candidats à l’émigration.
La crise n’a épargné presque personne, les revenus ont baissé, les jeunes générations ne bénéficieront pas des salaires de leurs aînés, les jeunes médecins non plus.
Je vous remercie si vous avez pris la peine de lire ce pavé, qui vous semblera probablement plein d’inepties, mais il s’agit d’un point de vue de "patient moyen" !
Cordialement,
Ingrid
19 février 2013, 11:08, par NdL
Bonjour,
les Français en prennent plein la figure avec la crise, on le sait. Beaucoup ont des revenus faibles et n’ont pourtant pas le droit à la CMU, on le sait aussi, c’est d’ailleurs pour ça que nous faisons parfois des tiers payants (sur lesquels il reste 6,90 euros à régler) lorsque nous avons l’impression que l’avance de 23 euros pose un problème, ou qu’on nous en fait la demande (ça ne nous lèse pas, d’ailleurs : je serai réglé plus rapidement en tiers payant qu’avec un chèque que je mettrait 10 jours à encaisser).
La question du secteur 2 est un problème très secondaire pour ce qui concerne la médecine générale libérale, car la grande majorité d’entre nous sommes en secteur 1, donc sans dépassement d’honoraires.
Nous sommes payés 23 euros la consultation. C’est pas terrible vu le niveau d’études. Nos études sont payées par la collectivité (il reste de l’ordre de 500 euros par an d’inscription à payer à la fac chaque année). Je pense que ce faible niveau de rémunération est le prix à payer de cette quasi-gratuité des études. Personnellement, je l’accepte. Tout en remarquant que pour nous aussi, le niveau de vie s’est effondré par rapport à nos ainés (un "ancien" me racontait comment, à ses débuts, il pouvait se payer une 205 au bout d’une semaine de remplacement : honnêtement, aujourd’hui, c’est plus pareil). Je roule en 206, pas en Mercedes ; je fume des Camel, pas des gros havane ; j’habite dans une maison, pas dans un château. Financièrement nous ne sommes pas à plaindre, d’ailleurs on ne se plaint pas plus que ça (à part quand on demande une revalorisation, mais ça, c’est le jeu social de toute profession), mais on n’est pas non plus des riches.
Et pour ce qui est est des médecins étranger, heureusement qu’ils sont là, en effet. Manifestement, les têtes de pioches qui nous chapeautent ne sont pas capables de regarder une courbe des âges, et de voir qu’il faut 10 ans pour former un médecin. J’ai eu le concours en plein dans le creux du numerus closus, à la fin des années 90. Et à cette époque, on SAVAIT déjà qu’il y aurait une catastrophe démographique avec les médecins. Z’ont anticipé ? Quedalle. Alors du coup on fait venir des médecins étrangers. Compétents, oui. Laissez-moi formuler cette phrase autrement : on exploite une main d’œuvre étrangère qualifiée, en la payant au lance-pierre, au détriment direct des populations des pays sous-développés dont sont originaires ces médecins. C’est proprement IMMONDE.
19 février 2013, 20:17, par ingrid
Bonjour,
j’entends bien qu’un médecin qui a fait ses études dans un pays pauvre et qui vient travailler en France représente une perte pour les malades de son pays, mais ça reste son choix, non ?
Les médecins français secteur 1 désirent augmenter leur salaire, ce qui est normal, pourquoi un médecin étranger n’aurait pas le droit lui aussi de souhaiter de meilleurs revenus, tous les médecins n’ont pas envie de faire de l’humanitaire, pensez-vous qu’il est immoral pour un médecin de pays émergents "d’abandonner ses malades" pour un salaire supérieur en France ?
D.Dupagne a employé le mot "maigre salaire", vous parlez "d’exploitation" (je pense que le mot exploitation s’appliquerait plus à l’ouvrier qui a fabriqué votre voiture, mais c’est un autre sujet...), j’aimerais savoir le salaire de ces médecins, je n’en ai aucune idée, mais je suppose que s’ils viennent travailler dans un petit hôpital français, c’est que c’est quand même mieux que dans leur pays d’origine.
La fuite des cerveaux a toujours existé dans les pays pauvres, quelque soit le secteur (informatique, finance, sciences, médecine...), je trouve que c’est un peu déplacé de reprocher à une personne très qualifiée qui cherche une vie meilleure de quitter le navire...
Cordialement,
ingrid
20 février 2013, 19:18, par NdL
Bonjour,
pour des questions d’équivalence de diplômes (qui arrangent bien l’administration), les médecins étrangers travaillent souvent dans les hôpitaux publics en tant que FFI, c’est-à-dire Faisant Fonction d’Interne. Donc avec un salaire d’interne, en gros dans les 2000 euros par mois, selon le nombre de gardes effectuées.
Mais qu’on se comprenne bien : je ne reproche rien aux médecins étrangers. Ce qui est choquant, c’est attitude des pouvoirs publics, qui consiste à exploiter une main d’œuvre bon marché au détriment des populations des pays étrangers. La fuite des cerveaux est quelque chose de grave, lorsqu’il s’agit du médical.
21 février 2013, 12:01, par ingrid
Bonjour,
Merci de votre réponse. Le salaire moyen français étant de 1600 euros en 2012, 2000 euros reste un salaire correct, le double du Smic ,on ne peut pas parler " d’exploitation de main d’oeuvre" ( ce sont des "cerveaux", pas des ouvriers), c’est peu ou prou le salaire d’une infirmière (les infirmières travaillant très dur aussi à l’hôpital). Je suppose aussi qu’au bout de quelques années les médecins étrangers ont des possibilités d’évolution de leur statut.
C’est là qu’on voit qu’il y a un véritable hiatus entre les médecins et la population générale, D.Dupagne parlant de "maigre salaire", vous de "payé au lance-pierre", alors que pour beaucoup de Français ça reste un bon salaire.
Si ce salaire parait dérisoire à un médecin, ça explique mieux l’incompréhension entre les
patients pour qui les dépassements d’honoraires représentent un gros budget, et les médecins qui trouvent qu’ils ne sont pas rémunérés à la hauteur de leur niveau.
21 février 2013, 19:02, par NdL
Bonjour,
encore une fois, les dépassements d’honoraires n’ont rien à voir dans cette histoire.
2000 euros par mois, je sais bien que ça permet de vivre et c’est plus que le smic et que le salaire moyen français, mais on parle de gens qui ont de l’ordre de bac+10. Il faut comparer à ce qui est comparable : avocats, architectes... C’est bien du paiement au lance-pierres.
Pour ce qui est des possibilités d’avancement de carrière, c’est parfois possible au bout d’un moment, mais pas toujours, et souvent après de longues années. Et pendant tout ce temps, les FFI occupent des terrains de stages d’internes. Concrètement, tous les 6 mois, les internes choisissent leur terrain de stage, en fonction de leur classement au concours de l’internat. Comme il y a plus de terrains de stage que d’internes, tous les 6 mois il reste des postes. Les FFI occupent ces postes. Ils se partagent les restes, en somme, et c’est rarement les terrains les plus intéressants, évidemment. Un truc magnifique, c’est que les terrains ne correspondent même pas forcément à leur spécialité. Par exemple, lors de mon premier stage d’interne, mon co-interne était un FFI algérien, anesthésiste-réanimateur. Eh bien il était dans ce service de neurologie depuis déjà 1 an, et y est resté ensuite (j’ignore combien de temps). Donc au minimum 2 ans, un anesthésiste-réanimateur, en neuro. Je vous raconte pas à quel point son travail quotidien le passionnait. C’est un peu comme demander à un écrivain d’écrire des notices d’utilisation de lave-linges.
Et tout ça pour quoi ? Parce que de formidables dirigeants n’ont pas voulu regarder une pyramide des âges. Ont préféré détourner le système des FFI. Aiment autant que ce soit la Roumanie qui forme les futurs généralistes, et l’Espagne les futures infirmières. C’est vrai, quoi : pourquoi se gêner ?
11 juin 2013, 09:56
Bonjour,
Peut-on véritablement parler de faible rémunération a 23 euros la consultation qui dure parfois moins de 10 minutes, et surtout lorsque a la fin du mois un medecin gagne en general au moins 4000 a 5000 euros (parfois beaucoup plus, j’ai de très bons exemples) ? Je n’ai rien contre la médecine libérale, plusieurs membres de familles proches en font partie, mais je trouve parfois malvenu ces doléances au vu des salaires moyens en France actuellement.
Concernant le niveau d’études, la médecine n’en a pas le monopole (je pense en particulier aux docteurs, les vrais avec une vraie thèse...ou meme les pharmaciens) et s’en tire somme toute assez bien pour ce qui est de la rémunération (qui est loin d’etre la meme pour un chercheur, ou pour un pharmacien qui n’a pas son officine).
Je tiens a dire que je trouve le metier de medecin remarquable et passionant, néanmoins il faudrait parfois mettre un peu d’eau dans son vin et comme il a déja été dit accepter que meme pour les médecins, le niveau de vie baisse meme si il reste bien au-dessus de la moyenne.
23 octobre 2014, 09:01, par Dominique Dupagne
Vous avez tout à fait raison, c’est pourquoi je n’aime pas quand les médecins pleurnichent.
S’ils ne sont pas content de la convention médicale, qu’ils se déconventionnent, comme l’ont fait les opticiens et les dentistes pour les prothèses. C’est une question de courage.
La consultation sera alors à son vrai prix, environ 70€ (cfs l’article) et plus personne ne pleurnichera, sauf peut-être les malades... En revanche, cela permettra au médecin de prendre son temps et de ne plus être obligé d’expédier ses patients.
30 mars 2023, 13:55, par cambrillat
Tout est dit !
26 mai 2023, 12:10, par BONTRON
Tout à fait d’accord avec cette analyse