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Télémédecine : chiche ?
Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple...
Première publication : vendredi 4 février 2011,
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Une télémédecine utile, ce serait quoi ? Sachant que nous faisons tous de la télémédecine lorsque nous répondons à des mails de patients ou que nous appelons des confrères au téléphone. Voici quelques propositions simples (trop) et facilement réalisables.
L’ASIP, Agence Sanitaire pour une Informatique Planifiée et usine à gaz du moment, regroupe sur son site des communications variées sur la Télémédecine.
Dans un élan digne des relances du Plan Calcul, un monde merveilleux et communiquant est promis depuis 6 ans tant aux patients qu’aux médecins. Malheureusement, toute cette coûteuse agitation n’a pour l’instant réussi qu’à valider une stratégie d’échec programmé bien connue.
En réaction à ces errances, l’objectif de cet article est de décrire en quoi pourrait consister une télémédecine réellement utile. Que vous soyez soignant ou patient, exprimez-vous en commentaire. J’intégrerai les meilleures propositions à l’article final. Je commence par mes propositions.
1) Autoriser la facturation de consultations conjointes programmées
La consultation conjointe permet à un médecin face à un patient nécessitant un avis spécialisé de joindre un confrère afin de réfléchir ensemble à la meilleure stratégie. Le médecin présent peut réaliser un examen clinique complémentaire à la demande du spécialiste interrogé. La facturation des deux médecins est proportionnelle au temps passé.
Malgré la difficulté de synchroniser les disponibilités et un risque évident d’abus. Cette possibilité assez simple (et il faut le reconnaître, prévue dans le projet officiel) permettra une économie de frais de transports. Il faut simplement éviter de l’entourer d’un formalisme administratif la rendant impraticable, ce qui ne va pas être simple... Il est facile de détecter les abus par des enquêtes a posteriori auprès des patients et l’analyse des agendas en cas de doute.
2) Créer une plate-forme téléphonique pour des avis spécialisés non programmés
Il est fréquent qu’un soignant soit confronté à une difficulté diagnostique ou thérapeutique imprévue qui lui paraît nécessiter la prise d’un avis technique. Une solution simple et sans doute moins difficile à mettre en oeuvre que la consultation conjointe programmée, consiste à créer un grand call-center destiné aux soignants.
Il s’agit aussi bien d’un généraliste demandant l’avis d’un spécialiste, que d’un spécialiste demandant l’avis d’une infirmière ou d’un kinésithérapeute. Tous les professionnels de santé sont concernés.
Richement doté en spécialistes variés dans divers domaines, le call-center permet au soignant isolé d’obtenir simplement et rapidement des réponses concernant le patient qui est en face de lui, et donc d’agir en temps réel.
Le soignant qui appelle décline son RPPS et un code d’identification sur le clavier de son téléphone. Les conversations sont enregistrées pour des raisons médicolégales.
Les experts du call-center sont des retraités récents qui acceptent de passer un peu de temps au téléphone (chez eux) et qui affichent leur disponibilité en temps réel sur un serveur permettant de transférer les appels vers leur ligne.
ll s’agit également, sur le même principe, de volontaires et de médecins salariés du service public qui utilisent la possibilité d’affectation d’une partie de leur temps de travail à des missions d’intérêt public. Comme pour les retraités récents, il signalent leur disponibilité sur le site du call-center.
L’appelant peut prendre des photographies avec son téléphone de lésions ou de documents et les transmettre facilement à l’expert appelé qui est devant son ordinateur.
En cas d’insuffisance de candidatures volontaires dans certaines spécialités, un recrutement et une rémunération permettent de compléter les équipes, notamment en soirée.
Après chaque avis, l’appelant évalue sur son téléphone la pertinence de l’aide apportée par l’expert. De même, l’expert évalue la pertinence de la demande. Cette double évaluation sert de garde-fou vis-à-vis des demandes abusives et des avis douteux.
Il est intéressant de comparer la simplicité et le coût de cette solution avec les budgets attribués à la coordination ou l’amélioration des soins de villes qui se comptent en centaines de millions d’euros par an.
3) Mettre à disposition des médecins une encyclopédie médicale fiable et simple d’accès
Fédérer et rémunérer les éditeurs d’information professionnelle pertinente pour mettre à disposition de chaque médecin un accès simple et gratuit à la littérature médicale.
Recueillir les demandes spontanées des médecins et rémunérer proportionnellement à ces demandes les éditeurs acceptant de libérer ces contenus. Cette solution permet de se dispenser d’une délicate phase de sélection des meilleures sources.
4) Autoriser des prescriptions par email
Sans doute la plus simple mais aussi la plus faussement évidente des options de la télémédecine. Où fixer la limite de ce qui est acceptable ou non ? Comment éviter les abus ? Ne serait-il pas plus simple d’autoriser les patients à se faire renouveler par leur pharmacien tout traitement antérieurement prescrit, à charge de faire valider la délivrance et/ou le remboursement par une consultation ultérieure ?
La téléconsultation directe, sans professionnel de santé aux côtés du patients, ne me paraît pas une pratique d’avenir.
En revanche, pour certains patients isolés, handicapés, et à la demande conjointe du médecin et du patient, il est envisageable qu’un suivi d’un traitement chronique puisse être l’objet d’une consultation téléphonique. Il faut néanmoins avoir conscience qu’il s’agit d’un pis-aller et non d’une évolution pertinente, car la présence physique et le réconfort du médecin chez ces patients sont aussi importantes, sinon plus, que l’ordonnance.
Voila mes propositions, j’attends les vôtres.
Edit 4 février : J’avais en fait écrit cet article en décembre (d’où son numéro 173) mais je ne l’avais pas publié, attendant une actualité concernant la télémédecine. C’est le cas avec le service http://sante.wengo.fr qui s’appuie sur les recommandations de l’Ordre des médecins et le nouveau décret. Il s’agit d’une des premières fois ou la location de temps de cerveau médical disponible (©Jean-Jacques Fraslin) est mise en place en France.