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HONcode (2)
Plus d’explications pour expliciter ma décision
Première publication : jeudi 10 juin 2010,
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Suite aux turbulences qui ont suivi ma décision d’arrêter d’afficher la certification HAS/HONcode(lire), je voudrais apporter quelques précisions et étayer ma décision.
Tout d’abord, il y existe une ambiguïté dont la fondation HON et la Haute Autorité de Santé sont co-responsables : avoir laissé croire que ce label attestait de la qualité des sites et donc de leur contenu éditorial.
Cette ambiguïté naît par exemple du "Title" de la page dédiée à chaque site sur HON, qui affiche dans la barre grise en haut du navigateur : "Certificat HONcode : gage de qualité de l’information de santé" [1]
Certes, cette notion de qualité n’est pas reprise dans la page elle-même mais le "Title" est ce qui s’affiche lorsqu’une page est trouvée par Google.
La HAS française a également été imprudente en laissant accréditer cette idée par des journalistes prompts aux raccourcis, sans les démentir :
Les titres des articles sur le press-book de la HAS confirme la fréquence de cette mauvaise interprétation.
Il faut dire que le terme "certification" est extrêmement fort et prête à confusion malgré l’absence d’ambiguïté sur le site de la HAS (mais qui consulte cette page ?)
Je m’en étais ému à l’époque sur mon forum. En citant cette discussion qui date de 2007, je relis avec intérêt le message de Sybille :
Quand je vois certains sites vendus de A à Z aux labos et (excuses) aux toubibs (disons à certaines équipes chargées de lever des fonds caritatifs) arborer ce label, je me demande si le bon vieux site foireux , exactement aussi débile, vendu et approximatif, mais sans tampon n’est pas moins hypocrite. |
Mon sentiment, plus mesuré bien sûr, est assez proche. En apportant un gage de qualité à un site qui ne le mérite pas, la certification émousse l’esprit critique du public, par nature méfiant et peut le mettre en danger. J’y reviendrai.
Pour ce qui est des sites eux-mêmes, je croise tous les jours des sites certifiés dont la transparence est contestable et qui sont donc en rupture avec les articles 7 et 8 du HONcode. J’en ai signalé certains à la fondation HON, et ce signalement aboutit généralement à la décertification, mais je ne peux passer mon temps à réaliser et étayer ces signalements.
Je vais me contenter de deux exemples.
Commençons avec mes amis les urologues et le site de l’Association Française d’Urologie. Nous savons grâce à quelques traces laissées sur la toile que cette association vit de l’industrie pharmaceutique et se considère elle-même comme une entreprise qui noue des partenariats avec l’industrie.
Or, sur le site de AFU qui possède un label HONcode, il faut penser à cliquer sur présentation pour trouver
Puis aller voir l’article 16 qui pourrait laisser penser que les items 7 et 8 sont accessoires, alors qu’ils représentent la quasi totalité du budget !
Mais au moins, sur le site de l’AFU, l’internaute obstiné pourra-t-il trouver des éléments susceptibles de lui faire entrevoir un possible conflit d’intérêt avec le contenu rédactionnel ou la présentation des formations.
Un deuxième exemple récent montre que l’information est parfois plus difficile à trouver.
J’ai été interpellé il y quelques semaines par une curieuse dépêche reprise sur de nombreux sites :
Quelles sont donc ces trois associations qui défendent un médicament si peu novateur au point d’écrire à la Ministre ? Je ne suis d’ailleurs pas le seul a avoir été surpris par cette démarche inhabituelle.
Ces trois associations sont toutes certifiées HONcode/HAS
La première est la Société Française d’Hypertension Artérielle (SFHTA) .
En cliquant successivement sur "La société" puis sur "Statuts" (et non sur "qui sommes-nous" qui ne donne pas la réponse) j’apprends que la SFHA est une filiale de la Société Française de Cardiologie qui la finance. Nous n’en saurons pas plus sur ses sponsors. Il faut donc que l’internaute recherche lui même l’adresse de cette société mère pour tomber sur le même cul-de-sac : nous lisons que la Société Française de Cardiologie (SFC) vit de ses "fonds propres", "dont les cotisations de ses membres". Certes, mais dans ce pâté financier, les cotisations représentent-elles le cheval ou l’alouette ?
L’internaute obstiné poursuivant ses recherches trouvera un indice : un article qui relate un symposium Novartis sous l’égide de la SFC. Rappelons qu’un symposium est une manifestation promotionnelle para-scientifique facturée au prix fort à un laboratoire. Ce sont les symposiums qui permettent aux congrès d’être d’importantes sources de financement pour les sociétés savantes. Lors de ce symposium donc, l’orateur qui se trouve être le vice-président de la SFHTA dira tout le bien qu’il pense d’un nouveau médicament (Alkirex) de Novartis. Un autre membre du bureau de la SFHTA vantera l’association Exforge du même Novartis. Tiens, Exforge, ne serait-ce pas justement cette association de médicaments que la méchante Haute Autorité de Santé (HAS) avait jugé insuffisamment novatrice pour être remboursée, et que la SFHTA avait défendue auprès de la la Ministre ?
Examinons maintenant les deux autres associations qui soutiennent le remboursement du médicament Exforge de Novartis.
La Fondation de Recherche sur l’Hypertension Artérielle (FRHA) joue franc-jeu. Reconnue d’utilité publique, elle dispose d’une page "Partenaires" où défilent des institutions, des laboratoires pharmaceutiques (Novartis notamment), mais aussi Monoprix, des charcutiers, des laitiers...
Il n’y a rien à dire sur la transparence de la FRHA. Celle-ci rappelle néanmoins ces pilotes de Formule 1 transformés en sapins de Noël par leurs sponsors. Certains pourraient s’interroger sur la crédibilité d’une société savante dotée de tant de parrains lorsqu’elle parle de facteurs de risque cardiovasculaire ou recommande tel ou tel aliment, mais là n’est pas notre débat.
Passons au dernier membre du trio : le Comité Français de Lutte contre l’Hypertension Artérielle (CFLHTA). Je me permet de dire trio car chacun des trois sites renvoie vers les deux autres en page d’accueil.
Comme la SFC, le CFLHTA est discret sur son financement. Dans A PROPOS, nous pouvons lire
Ce qui ne nous avance pas beaucoup.
Cherchons un lien d’intérêt potentiel avec Novartis, par exemple dans l’information destinée aux patients. Au chapitre "traitement de l’hypertension" nous trouvons une fiche sur le dernier médicament de Novartis : Rasilez/Aliskiren. Cette fiche n’est pas signée mais les mentions légales du site nous apprennent que le comité éditorial valide l’information donnée sur le site, rédigée par des professionnels de santé. Il manque donc, comme l’impose la loi, les déclarations d’intérêts de ces professionnels. Vous noterez le jour particulièrement favorable sous lequel ce médicament est présenté au public. Son principal effet secondaire, la diarrhée, devient une accélération du transit intestinal, ce qui est tout de même plus chic. De plus, l’information présentée laisse penser que cette diarrhée ne survient que pour des doses 300 mg et non pour celle de 150, ce qui est faux.
Je pourrais multiplier les exemples de ce type, mais je ne suis pas chargé de faire la police sur le web santé. Ces sites ne sont en rien exceptionnels car ce mode de fonctionnement est malheureusement majoritaire. Les associations qui ont su préserver leur indépendance ont le plus souvent été balayées, au moins médiatiquement, par leur concurrentes mieux dotées par de riches et puissants sponsors. Or, l’essentiel du progrès médical est né de sociétés savantes au train de vie modeste, qui se réunissaient dans des amphithéâtres de faculté. Depuis que l’événementiel a envahi la médecine et que l’industrie choisit elle-même les orateurs dans les symposiums, les avancées thérapeutiques se font rares.
Je me suis battu pendant de nombreuses années seul ou aux côtés du Formindep pour que le public réalise à quel point les conflits d’intérêt perturbent l’information santé. Ce combat paraît désormais gagné et le désastre de la campagne de vaccination contre la grippe en a été le point d’orgue. Il ne reste plus qu’à convaincre les confrères ;-) et je dois reconnaître que la Haute Autorité de Santé semble sensibilisée au problème, à défaut de mettre en oeuvre des solutions concrètes et efficaces.
Si je suis passé du Formindep à la Médecine 2.0, c’est pour réfléchir aux outils qui permettront de sortir de ce marécage et de repenser en profondeur la diffusion et la validation de l’information.
Or, il en est de la certification comme de la notation de la dette publique : mettre du AAA à de futurs emprunts russes, ce n’est pas protéger le public, bien au contraire. Le public est beaucoup plus intelligent que certains le croient. Il sait faire la part des choses, est naturellement méfiant, et n’accorde désormais pas plus de crédit aux leaders d’opinion qu’aux mannequins vantant des cosmétiques. Continuer à apporter un label faussement rassurant n’est pas un service à rendre à nos concitoyens.
Continuons au contraire à faire preuve de pédagogie et faisons lui confiance. Plutôt que de lui dire en permanence ce qui est bon ou mauvais pour lui, apprenons-lui à développer son esprit critique et surtout, donnons lui les outils pour ce faire.
Je serai par exemple intéressé par un simple label transparence qui permettrait d’accéder directement à la page du site présentant les informations financières détaillées sur l’auteur ou le groupe représenté. Pour afficher ce label, les sites d’association seraient contraints de publier leur rapport financier avec le détail des sponsors et des sommes versées directement ou indirectement, sociétés "holding" comprises. Mais même dans ce cas, les contournements apparaîtraient inévitablement, l’obus gagnant à tout coup contre la cuirasse... C’est néanmoins une option qui mérite d’être étudiée.
L’avenir est plus probablement dans le web 2.0, dans les réseaux [2], les algorithmes d’analyse des liens comme le fait Google avec les limites que nous connaissons.
Si vous utilisez un webmail comme gmail, vous savez comment le problème de la qualité du courrier a été résolu : le spam est éliminé grâce des algorithmes qui traitent le comportement individuel de chaque utilisateur. Un spam est finalement défini comme un courrier qu’une majorité d’utilisateurs considèrent comme un spam. C’est un peu plus complexe que cela mais la base de travail est statistique. C’est une leçon intéressante pour ceux qui s’intéressent à la mesure de la qualité.
Un exemple me vient en tête en écrivant ces lignes : imaginez une extension sur le navigateur des médecins qui recueille les pages consultées plus de 8 secondes sur leur lieu de travail. Aucune tâche supplémentaire n’est demandée au médecin, le petit programme complémentaire se contente de transmettre anonymement à un serveur les pages consultées. Un moteur de recherche "google like" permettrait de servir au public les pages les plus souvent consultées par les professionnels de santé. Il ne serait pas surprenant que ces pages soient d’une meilleure qualité scientifique que celles fournies par un moteur généraliste. Une telle base de donnée serait difficile à manipuler par des intérêts commerciaux.
L’usage d’outils collaboratifs existants pourrait être envisagé : voir ici.
Inventons le futur au lieu de tenter de sauver le passé.
N’hésitez pas à venir en débattre sur le forum.
[1] Le 14 juin 2010, le Title a été modifié par la fondation HON : "Certificat HONcode : respect des 8 principes du HONcode par le site de santé" ce qui est beaucoup plus pertinent. Reste à savoir si les 8 principes sont effectivement respectés par tous les sites puisque la fondation HON ne dispose pas des moyens d’investigation permettant de s’en assurer.
[2] Je dois déclarer un conflit d’intérêt puisque je développe un projet de réseau professionnel www.desbons.com.
Messages
29 septembre 2014, 11:29, par JPHALB
Nous avons décidé (Le Forum des Biohygiénistes www.biohygiéniste.leforum.eu) de quitter la certification HONCode suite à la mise en place d’une facturation (350€ pour les sites à but lucratif et 50€ pour les sites à but non lucratif).
Nous sommes un Forum Professionnel gratuit, il nous paraissait inimaginable pour un site à but non lucratif comme le notre de demander à nos membres de payer la facture.
Le deuxième argument est que tant qu’à rendre la certification payante pourquoi ne pas faire accréditer COFRAC la fondation Health On the Net en charge seule de cette certification afin de bien baliser les critères qualité du "label" ?