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J’ai fait un rêve : Roselyne et la dame blanche
Première publication : jeudi 12 juin 2008,
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- Mardi 10 juin 2008, j’assiste à un colloque organisé par un syndicat de médecins généralistes.
Il y est dit et redit que le généraliste, submergé par la paperasse, débordé et privé de secrétaire, est un pilier du système de santé, mais un pilier version cariatide.
Chiffres à l’appui, Xavier Tarpin démontre qu’il n’y a plus de relève, les étudiants mettant tout en oeuvre pour fuir cette spécialité.
Jean de Kervasdoué, brillant économiste de la santé, nous explique qu’il y a 80000 [1] agents des CPAM dont le travail est devenu inutile : leur mission consiste à vérifier les ouvertures de droits à remboursement, or la politique sociale française consiste à accorder des droits à tous les résidents. C’est un peu comme si les tickets de bus étaient gratuits mais qu’une armée de contrôleurs continuaient à les vérifier.
Mercredi 11 juin, je dîne avec quelques confrères et gestionnaires de la santé qui affirment qu’il y a 30000 visiteurs médicaux des laboratoires en trop et qu’il faut les recycler.
Mais où ?
J’avais bu modérément, mais j’ai fait un rêve dans la nuit du 11.
Le voici.
Roselyne Bachelot-Narquin, en regagnant son domicile dans la nuit du 15 juin 2008 après une dure journée, perçoit un bruit s’échappant du local à poussettes. Elle s’approche, éblouie par une lumière irréelle qui baigne le réduit.
Elle aperçoit alors une belle dame portant une robe blanche, un voile blanc également, une ceinture bleue et une rose jaune sur chaque pied.
"Qui êtes-vous demande Roselyne ?" Comme la dame ne répond pas, elle récite une prière à tout hasard mais la dame disparaît.
Troublée, elle avale un somnifère et maudit la politique.
Mais la nuit suivante, tenaillée par la curiosité, elle retourne au local, en s’éclairant d’une bougie.
La dame réapparaît alors et lui parle « Je ne te promets pas de te rendre heureuse en ce monde mais dans l’autre. Veux-tu avoir la grâce de venir ici pendant quinze jours ? »
Roselyne, qui s’est mise à genoux, promet : elle reviendra tous les soirs avec sa bougie.
Madame Ramirez, la gardienne, trouve tout cela bizarre et dit à son mari : "Qu’est-ce qui lui prend de parler au néon la nuit ?" Son mari lui conseille de se taire pour éviter les ennuis.
Et jour après jour, la dame dialogue avec Roselyne :
Roselyne, combien as-tu de médecins conseillers ?
Une trentaine.
Et combien de médecins généralistes parmi eux ?
Euh, en fait, aucun.
Ah bon ? pourquoi ?
Il paraît que ça a toujours été comme ça. Les autres conseillers ne les aiment pas. Et en plus, les généralistes disent qu’il faut les payer car ils ne sont pas salariés.
Et bien tu vas prendre cinq conseillers généralistes, dont quatre qui travaillent à la campagne, et tu vas les payer comme tu payes les autres consultants. Et tu diras aux autres de ne pas se moquer d’eux et de ne pas leur jeter des cailloux.
Bien madame, je le ferai.
Quelques jours après
Roselyne, pourquoi les jeunes médecins ne veulent-ils pas faire de médecine générale ?
D’après mes nouveaux conseillers, c’est parce qu’ils sont submergés de protocoles, de formulaires, de recommandations, de contrôles, que la législation devient imbit incompréhensible et que d’ailleurs les formulaires changent tout le temps.
Roselyne, tu vas dire à la sécu que désormais, les employés qui contrôlent les droits et qui ne servent à rien vont travailler chez les généralistes. Ils rempliront tous les papiers administratifs. Ce sera facile pour eux, ils les connaissent bien.
Bien madame, je le ferai.
Quelques jours après
Roselyne, les généralistes sont-ils contents de leurs nouveaux adjoints administratifs ?
Oui madame, ils chantent des chansons à ma gloire.
Et les étudiants choisissent-ils la médecine générale ?
Non madame, ils disent qu’il veulent aussi une secrétaire et que les généralistes n’ont pas de secrétaire.
Et bien tu vas emprunter 30000 visiteuses médicales à l’industrie pharmaceutique, et elles travailleront comme secrétaires pour les médecins. Ce sera facile pour elles, elles les connaissent bien.
Bien madame, je le ferai.
Et il en fut ainsi,
Et les généralistes criaient Vive Roselyne ! Vive la Vierge ! dans une clameur qui montait au delà des nuages
Et je chantais avec eux
Et tout mon corps vibrait
C’est alors que ma femme m’a réveillé en me secouant "T’es con ou quoi ? Non seulement tu t’endors pendant Docteur House, mais en plus tu gueules des conneries"
[1] J’ai enquêté pour connaître le chiffre exact car l’estimation de JDK a été contestée : mission impossible. On peut tout savoir sur les médecins, leur nombre, leur mode d’exercie, leurs fonctions, leurs revenus. En revanche, impossible de connaître le nombre d’agents de l’assurance maladie, tous régimes confondus, et leurs répartition par mission.