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Médecins sous influence
Et pendant ce temps, les franchises...
Première publication : jeudi 13 janvier 2011,
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J’avais initialement publié cet article en mars 2008. Je le republie ce jour sans y avoir changé une virgule. Relisez-le à la lumière de l’actualité...
Un article de plus, le dernier pour ce qui me concerne, sur l’indépendance de la formation des médecins.
J’ai beaucoup écrit, ici ou ailleurs, sur l’indépendance (ou plutôt la dépendance) intellectuelle des médecins vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Vous le vérifierez en jetant un oeil sur la colonne de droite de cette page, ou en lisant l’empire contre-attaque.
Cet article est le dernier sur le sujet pour ce qui me concerne. J’ai pris cette décision en lisant le dossier que le Formindep consacre à l’influence invisible. En effet, ce dossier est une somme accablante et définitive de documents qui montrent à quel point les firmes pharmaceutiques ont pris le pouvoir au sein de la médecine et de la santé. Elles façonnent dans l’ombre les tendances, les campagnes sanitaires, les articles de la presse grand-public, la formation des médecins. Bref, elles commandent presque toutes les manettes de la santé, il ne leur en manque qu’une : le droit d’aller vérifier chez les patients qu’ils prennent bien leurs médicaments (programmes d’observances, repoussés pour l’instant).
Toutes les chartes et soi-disant mesures de régulation ne sont que poudre au yeux et tartufferies.
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Cette situation parfaitement décrite depuis des années, confirmée par deux rapports de l’IGAS, n’émeut personne au sein des instances d’arbitrage que sont le ministère de la santé et le conseil de l’ordre des médecins. la raison en est simple : la collusion de nos politiques avec l’industrie est bien plus marquée que celle des médecins (voir le reportage de Canal+ ). Quant aux dirigeants des caisses de sécurité sociale, ce sont des marionnettes qui s’agitent en tous sens pour faire croire que leur fauteuil doré est un trône, alors que leurs ficelles sont tirées par ces mêmes politiques qui fréquentent en secret le gratin des firmes pharmaceutiques.
Le témoignage bouleversant d’un psychiatre américain dans le NYT
Si vous ne devez lire qu’un document du dossier du Formindep, prenez cinq minutes pour parcourir l’article du New York Times (traduit par le Formindep) : un psychiatre américain, le Dr Carlat, y explique comment il est insidieusement devenu un "visiteur médical" du Laboratoire Wyeth, missionné, formé et rémunéré pour assurer la promotion de son antidépresseur vedette. C’est passionnant, aussi mesuré dans la forme que terrible sur le fond ; son histoire et sa chute progressive du côté obscur de la science constituent le quotidien de nos dealers d’opinion ; et si vous préferez des vidéos, c’est ici.
Alors que faire ? Continuer à dénoncer sans relâche une situation inique et ruineuse pour la santé et les finances publiques ? Certainement. Et le village d’irréductibles gaulois que constitue le Formindep joue à merveille ce rôle de poil à gratter au milieu des petits arrangements entre amis. Je reste membre de ce collectif et je le soutiens, mais je prends de la distance
pour chercher un solution autre que politique. Je ne suis pas assez patient, et surtout pas assez optimiste pour croire que la situation puisse évoluer par la simple démonstration et l’action militante auprès d’autorités corrompues.
Continuer autrement
j’ai expliqué dans l’article fondateur de ma prise de conscience à quel point nous sommes à l’aube d’un bouleversement de la santé et sans doute de la société.
Il y a 15 jours, un site de notation des médecins était annoncé, puis menacé par un référé concernant son modèle destiné aux enseignants. Qu’à cela ne tienne, un nouveau site(Demedica.com), fonctionnel depuis 48 heures, offre un service équivalent hors du champ de la loi française. Telle la vie, le web neuronal trouve son chemin, se nourrit de ses échecs et occupe les meilleures niches écologiques. Quelle que soit la pauvreté fonctionnelle et éthique de Demedica, il ne fait qu’annoncer l’irruption d’une nouvelle forme de relation sociale et d’accès à l’information. Ce mouvement est irréversible. J’entends être un acteur du web neuronal français. Le web neuronal ne combat pas ce qui existe : il le fossilise et le remplace.
J’espère que le "dealer d’opinion" est une espèce en voie de fossilisation.