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Honoraires des généralistes (Allemands)
"Merci, je vais bien"
Première publication : vendredi 27 mars 2009,
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Dirk Wetzel est médecin généraliste. Ses revenus sont dans la moyenne des médecins ayant leur cabinet privé : 10.000 euros brut par mois. Demander plus dans le contexte actuel lui paraitrait impudent.
Traduction résumée d’un article de Markus Grill publié dans la revue Allemande Der Spiegel [1]
Lorsqu’il est de garde un samedi dans son cabinet où l’assistante médicale écoute une émission musicale, Dirk Wetzel porte une tenue décontractée, pantalon de velours, pull noir. Il peut se consacrer alors autant qu’il le faut aux rares patients qui viennent le consulter [Note : l’Allemand préfère attendre le retour de son médecin habituel et rechigne d’aller voir un remplaçant].
Ce généraliste de 39 ans exerce dans une commune de 7000 habitants, au Nord de la Hesse. Il gagne environ 10.000 euros brut par mois, desquels il faudra prélever 3250 euros d’impôts mensuels, 1037 € pour l’assurance vieillesse, 619 € pour l’assurance maladie et dépendance, ainsi que 210 € pour la police d’assurance professionnelle. Il lui reste finalement quelques 4.900 € net, ce qui le conduit à s’estimer parmi le 0,1 % d’hommes les plus heureux.
Ce MG est cependant une exception en Germanie : les médecins allemands et leurs représentants professionnels brandissent le spectre de faillites, à la suite des réformes d’honoraires récentes et ont décidé de faire grève. Le Docteur Wetzel ne soutient pas les contestataires roulant carrosse, alors que des millions de salariés sont en train de perdre leur travail.
Avant la réforme des honoraires, un MG notait en détails tous les actes pratiqués lors d’une consultation [ex. : auscultation approfondie + vaccin + pansement + ordonnance…dont l’organisme professionnel des médecins tenait la comptabilité pour la remettre directement aux caisses qui, elles, procédaient aux payements des actes médicaux sur les comptes des médecins conventionnés, en retenant parfois des pourcentages importants pour surprescription etc.].
Depuis le 1er janvier 2009, un médecin du Land Hesse reçoit un forfait de 38,11 euros par les caisses pour chaque consultation, le patient n’avance rien. La réforme a pour but d’éviter d’inutiles examens, mais pourrait avoir pour conséquence d’abréger le temps des consultations alloué à chaque malade afin d’augmenter le revenu du médecin. Une solution pour les praticiens augmenter leur productivité : ils encaissent le prix de la consultation et dirigent le patient vers un spécialiste.
Le médecin cité en exemple s’est associé avec deux autres généralistes, ce qui leur permet de faire des économies sur les coûts d’exploitation du cabinet et de se relayer pour les gardes de week-end. Ainsi, les prix d’acquisition d’équipements (appareils ultrasons etc.) et les salaires des assistantes sont divisés par trois. Et bonus supplémentaire : l’union des caisses obligatoires (KV) leur verse 10 % de plus sur les honoraires pour favoriser ce genre d’union.
Pour régler les honoraires trimestriels aux praticiens avant réception des facturations détaillées de l’organisme gestionnaire, les caisses obligatoires (KV) se basent sur les chiffres réalisés l’année précédente à la même époque. En 2008, ce furent 862 patients par généraliste par trimestre. Donc pour notre généraliste et ses deux collègues dans le cabinet commun, la multiplication du nombre de malades par le prix forfaitaire de 38,11 euros plus 10% de bonus conduit à une rémunération pour le premier trimestre 2009 de 107.527 € au total (soit dans notre cas concret environ 12 000 euros brut par médecin et par mois). Ceci correspond à la moyenne enregistrée pour les généralistes libéraux exerçant en Hesse.
Il s’agit cependant de deux tiers des revenus effectivement perçus. Au revenu de base, il faut ajouter des honoraires supplémentaires pour les programmes de préventions, les opérations pratiquées au cabinet, et pour les patients participant à des programmes pour maladies chroniques. Des visites à domicile rapportent 18 euros, en cas d’urgence 65 euros, et le samedi 46 euros.
À ces majorations s’ajoutent les prestations réglées par les caisses privées (acceptant de payer parfois jusqu’à 3 fois le tarif de base). Les « Privatpatienten » représentent environ 10 % de la clientèle du MG de la petite commune, ils règlent à l’avance sur facture (la facturation se fait à la fin des soins, au plus tôt après un trimestre). Certains médecins proposent aux malades des prestations complémentaires, à régler directement de leur poche.
Le Docteur Wetzel avait été chercheur à l’université de Göttingen avec un salaire brut mensuel de 4000 euros. De cette expérience et de ses parents enseignants, il a gardé des ambitions si modestes que les revenus de son cabinet lui suffisent pour nourrir femme, trois enfants et un chien qu’il promène en Ford S-Max. Il travaille environ 40 heures par semaine, un peu plus pour quelques urgences, mais réussit à se libérer deux après-midis par semaine.
Au total, les caisses maladie ont dépensé en honoraires libéraux 27,4 milliards d’euros pour l’année 2007, ce seront 30,4 milliards en 2009 pour environ 150.000 médecins et psychothérapeutes. Ces milliards sont repartis de manière inégale dans les différents Länder : au Bade-Wurtemberg l’augmentation par médecin est de 2,5 %, alors que dans trois Länder de l’ex-RDA elle se situe entre 19 % et 25 % par médecin.
L’office des statistiques allemand calcule tous les cinq ans les revenus exacts pour les médecins. Pour 2006, il indique qu’un médecin généraliste, après payement des salaires, équipements, énergie, voiture, loyer etc. gagnait 8666 euros brut par mois, desquels il devra déduire les impôts, assurances, cotisations etc. Les meilleurs lotis sont les radiologues et les spécialistes en orthopédie.
En 2007, les faillites de cabinets médicaux ont légèrement régressé, l’Allemagne en a enregistré 223.
Le Docteur Wetzel déplore qu’il soit confronté à la quatrième réforme tarifaire en cinq ans : « J’aimerais bien suivre une formation médicale, mais c’est impossible avant d’avoir assimilé tous les détails de la nouvelle réforme des honoraires ».