Accueil > Coups de coeur, coups de gueule > Non à la disparition des gynécopédiatres !
Non à la disparition des gynécopédiatres !
Les pédiatres pour fillettes vont disparaître si on ne fait rien
Première publication : samedi 22 janvier 2011,
par - Visites : 6643
Les gynécopédiatres sont des pédiatres spécialisés dans la santé des fillettes et des adolescentes jusqu’à l’âge de 16 ans. Cette spécialité peu connue est sur le point de disparaître, car il s’en forme de moins en moins tous les ans.
Ce 19 janvier, l’Association Française de Gynécopédiatrie Ambulatoire (AFGA) remet au ministre de la Santé une pétition, signée de 130 000 Français, alertant sur la disparition des gynécopédiatres de ville. Entretien avec le Dr Catherine POIVRIER, gynécopédiatre et présidente de l’AFGA.
Le nombre de gynécopédiatres de ville ne cesse de diminuer : 314 en 1995, 211 en 2000, 127 en 2008… Il y aura 130 départs à la retraite d’ici 2017. De nombreux départements, villes et maternités sont aujourd’hui privés de gynécopédiatres. Alors que la France connaît le plus fort taux de natalité en Europe, c’est un des pays qui comptent le moins de gynécopédiatres : un pour 20 000 filles. Les pouvoirs publics tentent de gérer cette pénurie en formant davantage de pédiatres généralistes. Mais nous pensons qu’il serait plus judicieux d’augmenter le nombre de gynécopédiatres.
Une petite fille qui va bien a-t-elle besoin d’être suivie par un spécialiste ?
On pourrait croire que non. Mais comment être sûr qu’elle va bien ? C’est tout le champ du dépistage et de la prévention. Le gynécopédiatre de ville a les compétences requises pour dépister et prévenir les pathologies de la jeune fille. Prenons l’exemple du cancer du col de l’utérus : les gynécopédiatres de ville sont les premiers à avoir pratiqué le frottis chez l’adolescente grâce à leur formation spécifique et à avoir généralisé le vaccin Gardasil. Il y a 5 ans, l’AFGA a mis en place une Journée nationale de dépistage des douleurs de premières règles. Et les gynécopédiatres sont à l’initiative des réseaux REPAP (Réseau de prévention et de prise en charge de l’anorexie en pédiatrie) dans une majorité de régions, réseaux ouverts par la suite aux pédiatres généralistes.
Autre exemple : l’anorexie mentale...
Pour dépister l’anorexie, il faut d’abord connaître précisément le développement d’une fille “normale” à un âge donné. Si une cassure de la prise de poids est établie, il faut en identifier l’origine. Ce peut être un simple retard : il faut alors donner aux parents des conseils de stimulation adéquats. Mais le retard peut aussi être lié à des troubles psychologiques (si l’enfant est déprimé par exemple), à des troubles intellectuels voire psychiatriques, comme un trouble envahissant du développement, ou bien à des troubles spécifiques de l’image corporelle... Le pédiatre généraliste aura souvent tendance à orienter la petite fille vers un pédopsychiatre, souvent déjà débordé. Alors que le gynécopédiatre de ville, formé à distinguer ces différentes atteintes de l’image du corps chez l’adolescente pourra orienter vers le bon spécialiste.
On ressent parfois une certaine opposition entre gynécopédiatres de ville et pédiatres généralistes...
Cette dualité n’a pas lieu d’être : ce sont deux approches complémentaires. Il faut entrer dans une prise en charge partagée. A l’évidence, pédiatres généralistes et gynécopédiatres de ville doivent renforcer leur collaboration. Les choses évoluent cependant : les jeunes pédiatres généralistes travaillent de plus en plus avec les gynécopédiatres de ville. J’ai moi-même été pédiatre généraliste durant 5 ans avant de me former à la gynécopédiatrie de ville, que j’exerce depuis 30 ans. Je suis bien placée pour savoir comment les deux métiers se complètent, et j’ai énormément de respect pour les pédiatres généralistes...
Quelle est la place du pédiatre généraliste dans le suivi de la jeune fille ?
Le pédiatre généraliste reste le médecin de premier recours. Mais un praticien formé à la pédiatrie générale ne peut faire le même métier qu’un médecin formé à la gynécopédiatrie ambulatoire et l’exerçant exclusivement. Par ailleurs, les consultations de gynécopédiatrie sont toujours plus longues, notamment en raison de la difficulté de l’abord de la petite fille dans toutes ses dimensions. Le pédiatre généraliste a-t-il le temps nécessaire ? On sait que les consultations de pédiatrie générale sont plus courtes que celles de gynécopédiatrie. Ainsi, pour une fille de moins de 16 ans, la durée moyenne de consultation est de 21 minutes en pédiatrie générale. Elle est de 28 minutes en gynécopédiatrie de ville. De plus, on voit émerger de nouvelles vulnérabilités chez la jeune fille - sexualité précoce, nouvelles problématiques familiales - qui tendent à augmenter ces temps de consultation. Aujourd’hui, la psycho-gynécopédiatrie représente la moitié de notre pratique en gynécopédiatrie de ville !
Et la place du gynécopédiatre de ville ?
Les gynécopédiatres de ville tiennent à garder l’accès direct des patients, comme c’est le cas aujourd’hui. Si une famille souhaite faire suivre sa petite fille par un pédiatre généraliste, les examens aux âges-clés néanmoins devraient être faits par un gynécopédiatre : à la première semaine de vie (à la maternité), à 9 mois, 2 ans, 4-5 ans et 8 ans, et à l’entrée en 6ème et dans l’adolescence. De plus, le gynécopédiatre de ville sait cibler les besoins d’hospitalisation d’une fillette et assurer la prise en charge après une hospitalisation. Face à une adolescente souffrant de maux de ventre, par exemple, le gynécopédiatre est formé à distinguer une appendicite d’une douleur de règles, et s’il craint une tumeur abdominale, à demander une IRM. En post-hospitalisation, le gynécopédiatre de ville peut assurer la prise en charge des anorexiques, par exemple, ou des adolescentes atteintes de maladies chroniques. En résumé, le gynécopédiatre de ville se situe à l’interface du pédiatre généraliste et du gynécopédiatre hospitalier. Quand un pédiatre généraliste s’interroge sur la nécessité d’hospitaliser ou non une jeune fille, il peut orienter l’enfant vers un gynécopédiatre de ville. On éviterait ainsi des hospitalisations superflues.
Comment la pratique des gynécopédiatres de ville influence-t-elle celle des pédiatres généralistes ?
Les pédiatres généralistes s’imprègnent de notre pratique... mais si nous disparaissons ? On le voit avec les vaccinations contre le cancer du col. Le calendrier vaccinal est beaucoup mieux respecté par les gynécopédiatres : nous suivons les formations nécessaires, que nous répercutons ensuite vers les pédiatres généralistes. Autre exemple : l’AFGA a élaboré une mallette d’outils de dépistage pour les gynécopédiatres, en collaboration avec des pédiatres généralistes. Ceux-ci sont formés à l’utilisation de cette mallette : vulvomètres pour le dépistage des imperforation de l’hymen, échelles de douleur pour le dépistage des troubles des règles, questionnaires pour le dépistage des troubles alimentaires, des dyspraxies féminines, des troubles de l’image corporelle, du sommeil ou de l’affectivité féminine…
***
Comme vous l’avez sans doute compris, cet article est un canular et la gynécopédiatrie ambulatoire n’existe pas plus que l’association AFGA.
En revanche, je n’ai pas inventé cet article. Si vous remplacez gynécopédiatre par pédiatre, pédiatre généraliste par médecin généraliste, et fillette par enfant, vous obtenez quasiment à l’identique un article de Florence Rosier dans le journal Impact Médecin : "Ce 19 janvier, l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) remet au ministre de la Santé une pétition, signée de 130 000 Français, alertant sur la disparition des pédiatres de ville. Entretien avec le Dr Catherine SALINIER, pédiatre et présidente de l’AFPA."
J’espère, par cette parodie, faire comprendre aux pédiatres qui ont sursauté en lisant ces lignes, l’impact de cette interview sur leurs confrères généralistes.
Qu’il est triste de constater que certaines spécialités croient assurer leur survie en critiquant les confrères. La diminution des pédiatres de villes est moins rapide que celle des généralistes de ville. Dans quelques années, c’est sur internet ou auprès de voisines expérimentées que les mamans chercheront des conseils médicaux. Se dévaloriser entre confrères n’a aucun sens. Et je ne vous parle même pas du fond de l’article, qui est aussi odieux que faux en grande partie.
En attendant, par ces propos ainsi que d’autres tenus par des pédiatres médiatiques cette semaine, c’est le petit reste de confraternité hérité de nos maîtres qui disparaît un peu plus tous les jours.
En France, 80% des enfants sont suivis par des médecins généralistes, comme dans de nombreux pays, sans que cela ne pose de problème particulier.