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Les mensonges de la réforme
La contre-réforme du système de santé : un tissu de mensonges.
Première publication : vendredi 17 décembre 2004 - Visites : 27767
A l’heure où le Ministre de la Santé va parader sur les ondes pour expliquer qu’il a présidé à la signature d’un accord historique sur le « médecin traitant », à l’heure où va se mettre en place une gigantesque campagne de communication de nature à persuader le public que le but poursuivi est la sauvegarde de l’Assurance-Maladie solidaire, que peuvent faire les acteurs de terrain que sont les généralistes pour alerter l’opinion et révéler que derrière les effets d’annonce dont ce gouvernement s’est fait le spécialiste en matière de cohésion sociale, la réalité nue est toute autre ?
Ce qui sera dit aux patients, c’est qu’un nouveau système de santé se met en place, un système vertueux qui les engage à choisir un médecin traitant, essentiellement un généraliste qui les soignera et les aidera à accéder de manière coordonnée aux avis des spécialistes si cela est nécessaire.
Ce qui sera dit aux patients, c’est que ce système mieux coordonné va générer des économies, et permettre de sauver la Sécu.
Ce qui sera caché aux patients, c’est que s’est déroulé lors de ce simulacre de négociation entre le proconsul nommé par le pouvoir en place et les syndicats médicaux les plus opposés à une vraie réforme du système de santé, le dépeçage en règle de la Sécu.
Ce qui sera caché aux patients, c’est que les économies virtuelles chiffrées et attendues ne seront jamais au rendez-vous, car aucun moyen n’a été donné aux généralistes pour s’acquitter de la fonction administrative supplémentaire qui leur est dévolue. Au point que le système du médecin référent, un système de coordinations de soins autofinancé, optionnel, volontaire, choisi depuis 1997 par près de 8000 médecins et de 1.5 millions de patients, associant rémunération forfaitaire pour les généralistes en échange d’une bonne tenue du dossier et d’une formation médicale indépendante des firmes pharmaceutiques, et tiers-payant pour les patients, a été volontairement détruit par les signataires de cette contre-réforme.
Ce qui sera caché aux patients, c’est que les « négociations » ont moins abordé les réelles difficultés de notre système de santé, que les augmentations tarifaires des spécialistes. Aussi justifiées qu’aient pu être les revalorisations des spécialistes de secteur 1 dont les honoraires étaient bloqués depuis de nombreuses années, on peut s’interroger sur le fait que les généralistes, dans leur ensemble, n’obtiennent rien, rien d’autre que la possibilité de pratiquer un abattage à la pièce en voyant disparaître les systèmes de rémunération forfaitaire qui pour la première fois valorisaient le travail fait hors-consultation ( coordination des soins, actions de prévention et d’éducation, formation médicale indépendante, mise à jour des dossiers et des bases de données informatiques, amélioration des pratiques...)
Ce qui sera caché aux patients, mais qu’ils découvriront rapidement, c’est que cet accord signé entre les syndicats de spécialistes et le porte-parole du gouvernement sous l’égide du Ministre de la Santé et des ses conseillers issus de ces mêmes syndicats de spécialistes, ne met pas en place le système du médecin traitant, mais son contournement. Car une fois les généralistes, faute de moyens, mis dans l’impossibilité de faire fonctionner le système coordonné, l’accès direct au spécialiste sera facturé avec dépassement d’honoraires généralisé.
Au nom d’une mythique « unité du corps médical », le Ministre a déjà salué cet accord comme la première convention signée depuis dix ans. Alors qu’une convention médicale spécifique aux généralistes a existé pendant toutes ces années, qui les a vus s’investir massivement, malgré les difficultés, dans la maîtrise des outils informatiques, la formation continue, la prise en charge de pathologies complexes, la prescription en génériques puis en DCI, génératrice d’économies pour la Sécurité Sociale comme pour les mutuelles, et donc pour chaque patient, car l’augmentation des dépenses de prescription est l’une des causes majeures d’augmentation de tarif des mutuelles.
Mais cet accord ne concernait que les généralistes, les spécialistes de secteur 1 étant mal défendus, et les spécialistes à honoraires libres refusant de s’investir dans ces accords.
Ici le mépris des hommes politiques issus du sérail pyramidal de l’édifice médical rejoint la logique ultralibérale : le patient doit enfin comprendre que la santé est devenue une marchandise comme une autre ; il doit savoir, obsession des économistes libéraux « combien ça coûte ? », et sortir le chéquier doit devenir pour lui une habitude en passant dans la salle de consultation, quand certains rêvaient encore de prise en charge sanitaire solidaire, égale pour tous.
Cette contre-réforme libérale n’offre aux généralistes aucune perspective hormis la course à l’acte, nez sur le guidon.
A l’heure où la médecine générale est enfin reconnue comme une spécialité à part entière à l’Université, cette contre réforme pose comme principe la supériorité de la médecine d’organe, de l’homme morcelé, sur la médecine générale, médecine de l’homme considéré dans sa globalité.
Aux jeunes généralistes, elle fera office de repoussoir. Confrontés à la difficulté de l’exercice quotidien, à la désertification des campagnes par tous les acteurs de santé ( généralistes, infirmières, kinésithérapeutes), à la disparition du système du médecin référent qui correspondait en partie à leurs attentes de sortie du seul paiement à l’acte, ils donneront la préférence à des postes salariés ou s’installeront ailleurs en Europe, dans des pays où les politiques savent quelle est la spécificité du médecin généraliste, la prise en charge du patient dans sa globalité, sur le long terme, et non la distribution de bons pour accès au spécialiste.
Aux patients, elle réserve toute sa cruauté, avec la mise en place d’un accès aux soins dépendant des revenus.
A l’industrie pharmaceutique, elle offre un boulevard : entre des généralistes pressurés dont tous les efforts de prescription raisonnée n’auront servi qu’à réévaluer les spécialistes, et des spécialistes à honoraires libres parmi les plus opposés à la prescription hors-marque ( DCI et génériques), le coût réel des médicaments va exploser.
Au final, il faudra constater l’échec de cette contre-réforme, en faire porter la responsabilité aux lampistes que sont les généralistes, et ouvrir la porte aux assurances privées, d’un air désolé, en disant que la Sécu, bien malade, n’a pu être sauvée.
Les communicants du Ministre sauront très bien faire.
Sandrine Buscail est Président du Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes
Philippe Foucras est médecin généraliste, fondateur du Formindep, collectif "pour une formation médicale indépendante au service des seuls professionnels de santé et des patients"
Christian Lehmann et Martin Winckler sont médecins généralistes et romanciers
Philippe Le Rouzo est Président du Syndicat Départemental des Médecins Généralistes du Morbihan MG56
Franck Wilmart est médecin généraliste en milieu rural
Messages
17 décembre 2004, 14:13, par Paulin
Que voila une belle analyse !!!
J’aurais été fier d’avoir écrit cet article.
17 décembre 2004, 21:52, par Françoise DUBOIS
Article bien écrit et surtout compréhensible par tous. Je pensais exactement la même chose mais je n’étais pas suffisamment informée pour pouvoir en discuter avec d’autres patients. Voilà qui est fait ce qui me conforte dans mon jugement.
Françoise
Voir en ligne : http://atout.org.fr
19 décembre 2004, 12:29, par Dominique Dupagne
Vous pouvez soutenir ce texte en signant ici :
Voir en ligne : http://perso.wanadoo.fr/wilmart.franck/manifeste.htm
19 décembre 2005, 15:01
Bonjour,
En pleine "querelle" avec mon mari (Qui voulait signer cette satanée feuille), je retourne sur le site où j’ai eu les infos, afin qu’il sache au moins ce qu’il va signer... Bon, les infos l’ont aider à temporiser sa démarche mais, oh surprise, aucuns des sites (www.manifeste-sante-mg.org et celui chez wanadoo) ne fonctionnent aujourd’hui... Est-ce volontaire de la part des créateurs ou pas ?
Valérie
21 décembre 2004, 17:18, par Alain citoyen révolté
Concise, essentielle cette analyse nous donne les moyens de comprendre comment on se fait une fois de plus voler par les canailles qui nous gouvernent et le Parti de la Mort qui les soutient.
Dans quelques années à la retraite, j’en viens à m’inquiéter sérieusement sur les possibilités de soins qu’on va nous permettre, sans parler de la misère de retraite promise, qui ne saurait, sans doute, perdurer, pour cause de privatisation du système et "effet Enron" garanti.
Il faut de toute urgence faire, non pas une élection, mais un nouveau mai 68 pour chasser ces cinglés qui vont nous ruiner et désagréger toute la société de répartition qu’on bâti nos parents !
20 janvier 2005, 05:20, par COTTE JEN CLAUDE
Entièrement d’accord avec l’analyse ci-dessus, mais malheureusement nous sommes peu a la partager, en gros il y a deux catégories de personnes ceux qui ont complètement intégré cette pseudo-morale libérale et s’en font les défenseurs, et ceux plus nombreux certainement qui sont parfaitement conscients de l’imposture intellectuelle et (morale !), mais qui se sentent coupables a un degré ou a un autre de ne pas participer a ce grand demain hégémonique que les médiocres nous préparent, la démission est quasi générale, les gens qui pensent n’ont pas ou plus le courage de s’exprimer et je les comprends, ces dix dernières annes ont été terrible pour l’esprit critique et le simple bon sens, les médias (principalement les télés ont accompli leur travail de sape au plus grand bénéfice de nos gouvernants acquis quelque soit leur couleur politique au libéralisme et a ses bénéficiaires directs : assureurs, grand patrons, banquiers, tout ce que la société comporte de cyniques, qui se pensent et se voient comme nos bons maîtres.
25 mai 2005, 22:04
Il faut pour celà établir un dossier documenté afin d’étayer la réclamation. Mettre en évidence les points litigieux. Plaider la cause devant la justice si celà est nécessaire. Il est bon d’être correctement soutenu et conseillé ! Je suis inquiet du manque de moyens accordés pour s’occuper de questions si importantes.
22 octobre 2005, 13:35, par zipette
Bonjour à tous,
Visiteuse médicale recyclée dans la défense des droits des accidentés du travail devant les assurances et la secu, j’ai envie de réagir à vos propos.
Le gouvernement n’a de cesse de noyer le poisson dans son bocal qu’est la sécu, car trop souvent ces têtes pensantes du haut de leur piédestal, nous harcele avec le déficit de l’assurance maladie exit la branche maladie, faudrait il seulement qu’il soit expliqué non pas en quelques secondes et trop rapidement, le fonctionnement de la Securité sociale et détailler ses branches.
Il serait bon aussi de rappeler les Missions véritables de la se curité sociale et celles qui se sont greffées dessus au point de gangrener son capital.
Pour exemple, est il normal que la secu subventionne à hauteur de 75 % des projets des collectivités territoriales ?
Est il normal que l’état ne paie toujours pas, depuis plus de 25 ans, ses cotisations ?
Enfin, la secu est devenue une telle manne financière que tout y est orchestré pour effectuer des prelevements cachés des assurés.
Et puis, pour mémoire, la sécu est créee pour les assurés par pour faire du capital ou de l’épargne.
Quiz mathematique :
j’ai 10 euros, j’en dépense 4 , il m’en reste ? 6 euros.
Pour le gouvernement, Nous sommes déficitaires de 4 euros.
Autre exemple d’épargne sur le dos des travailleurs, les assurances ( catastrophes naturelles). Je pourrais approndir le débat avec lesassurances de personnes .. les indemnités judiciaires...
Bref, le gouvernement prévoit tous les recours possibles pour les assurés, ce qu’il omet de dire c’est que la réponse est ficelée d’avance. ( exit les tribunaux)
eLLE EST BELLE NOTRE DEMOCRATIE. Nous ne sommes ni égaux ni libres.
3 décembre 2005, 18:38
j’aimerais savoir si le corps medical ne pourrait pas créer un nouveau metier qui serait en liaison direct avec le medecin generaliste mais qui aurait plus un role de suivit et d’orientation medical pour eviter le depistage trop tardif des cancers ,le manques coordinations entre specialistes et malades
y’en a marre de tous ces termes medicaux qui
au fond veulent tous dire la meme chose il y a des virus comme le ebv qui sont tjours en nous et ...
Voir en ligne : atmanoun
4 décembre 2005, 09:39, par Dominique Dupagne
Bonjour,
Je ne vois pas l’intérêt de créer un nouvau métier alors que ce que vous décrivez fait partie des missions et de la formation des médecins généralistes.
Reste à leur donner les moyens de le faire, au lieu de les payer "à l’ordonnance" et de les traiter par le mépris, depuis le début de leur formation jusqu’à leur retraite.
8 décembre 2005, 19:34, par amélie
est il possible encor ed’espérer une non application de cette nouvelle réforme sociale instaurant la médecine à 2 vitesses ..... et comment sur le plan individuel ?
y a t il actuellement 1 pétition ou 1 manifeste sur le net où l’on peut signer et s’opposer ? merci de votre réponse
31 mai 2012, 06:12, par Dominique Dupagne
En décembre 2004, Xavier Bertrand était secrétaire d’Etat à l’assurance maladie. Lorsqu’il deviendra ministre en 2005 après Douste-Blazy, il prendra Sandrine Buscail comme conseillère. Je sais que Sandrine a fait ce qu’elle a pu...