Bonjour, >Merci pour ces détails très... détaillés, mais j'attendais quelque chose de
>plus accessible, j'avoue que pour la non-initiée que je suis,
>ça tourne un peu au charabia !
Je ne sais pas si ça vous paraîtra plus clair, mais voilà un copié/collé de mon cours de troisième année sur la mort :
Sémio médico-légale du sujet décédé.
Introduction
- Rm : le cours a duré environ 25min, après il nous a montré des diapos (toutes plus charmantes les unes que les autres, comme vous vous en douterez…)
- Le diagnostic de mort n'est pas si évident à poser qu'on pourrait le croire.
On oppose classiquement les "signes négatifs de vies" aux "signes positifs de mort".
Les signes négatifs de vie :
- Ceux là appartiennent encore au domaine de la clinique.
- Ils sont à considérer comme encore réversibles, au moins au départ. (c'est-à-dire qu'il faut encore tenter une réanimation)
- Ce sont :
L'arrêt cardio-respiratoire
L'hypotonie
La mydriase bilatérale (je cite : " les morts récents sont plein-phares"…)
Les signes positifs de mort :
Les lividités
La rigidité cadavérique
Le refroidissement corporel
La putréfaction (hourra.)
- On peut les utiliser pour déterminer le délai post-mortem, et on va les revoir un par un.
Les lividités
- Ce sont de petites taches couleur lie-de-vin qui apparaissent dans les parties déclives du corps. (les extrémités des membres pour un pendu, par exemple.)
(au vu des diapos, j'aurais plutôt tendance à dire que les lividités sont loin d'être petites : le type pendu a toute la jambe violette : je suppose qu'en fait il y a tellement de petites taches que la couleur paraît uniforme…)- Explication :
Après la mort, le sang ne coagule plus. De plus, les capillaires sont dilatés à cause de la diminution du tonus musculaire. Le sang stagne donc dans les capillaires, causant les lividités.
Si on appuie dessus dans les 18 premières heures suivant le décès, elles disparaissent : test à la vitro-pression positif.
Le sang finit par quitter les capillaires par extravasation passive liée à la gravité, et ne peut plus y entrer.
Les lividités sont fixées à partir de la 18ème heure : test à la vitro-pression négatif.
- Il est important de noter qu'elles sont absentes des points de pression du corps. La peau à ces endroits reste blanche.
(notre fameux pendu a par exemple la marque du slip, c'est pas une blague à deux balles, c'est hyper vrai) (autre exemple : une femme pendue avec la jambe violette et les genoux blancs : semi-pendaison avec les genoux qui touchent le sol. Pour ceux qui ne le savent pas : on peut se pendre à un radiateur)
- Cela permet aussi de dire devant des lividités paradoxales (= pas où elles devraient être) qu'on a déplacé le corps, plus de 18h après la mort. (Puisque avant elles ne sont pas fixées)
- Cela s'applique également aux organes : pour un mort couché sur le dos, on aura la partie postérieure des poumons violet foncé, alors que la partie supérieure reste rose.
- Il est parfois difficile de différencier les lividités d'ecchymoses qui auraient été faites du vivant. Pour savoir, on donne un coup de bistouri : si le sang est coagulé, il s'agit d'une ecchymose ; s'il est liquide, d'une lividité.
Rigidité
- Elle est due à l'acidification importante du sang et des tissus. Cela transforme le glycogène d'où un blocage des fibres musculaires.
- Cette rigidité est isométrique, c'est-à-dire que le cadavre reste dans la position dans laquelle il est mort. (parce que si il se mettait à marcher, ça foutrait les boules)
(Nan, en vrai c'est qu'on pourrait croire par exemple que les membres se recroquevillent à cause de la contraction, mais comme les muscles agonistes et antagonistes se rigidifient en même temps, le corps reste strictement dans la même position.)
- On décrit une rigidification apparente de haut en bas : elle semble toucher d'abord la nuque, puis les membres sup, le tronc et enfin les membres inf.
En fait c'est seulement que les muscles les plus petits achèvent leur rigidification avant.
- La rigidité commence vers la 3ème heure
est dite "installée" à la 4ème
est complète à la 8ème.
Devant un corps rigide mais avec un test de vitro-pression encore positif, on pourra en déduire brillamment que la mort date de 4 à 18h.
- La rigidité touche tous les muscles, d'où certains phénomènes chelous :
Anisocorie : inégalité pupillaire. La pupille se rétracte mais inégalement à droite et à gauche.
Éjaculation post-mortem : due à la rigidification des muscles lisses. D'où la légende selon laquelle les pendus bandent : non seulement c'est vrai, mais c'est vrai pour tous les morts. (perso, je serais un mec, je trouverais ça un peu déprimant, comme pronostic de dernière éjaculation…)
Pilo-érection.
Refroidissement
- En condition standards, (c'est-à-dire pour un sujet de corpulence moyenne, à 20°…) le refroidissement est de 1°C / h, jusqu'à équilibre.
Putréfaction
- Elle est liée à un envahissement bactérien des organes et des tissus.
- (je cite) "Nous, on pète tous les jours" (A ce stade, je vous l'accorde, on voit pas trop où il veut en venir…) mais quand on est mort :
Il n'y a plus de motricité colique : on ne peut pas évacuer le gaz que les bactéries intestinales continuent à produire.
La diminution de température et l'acidification sélectionnent justement les bactéries qui produisent du gaz.
- Le premier signe qui en découle est la tache verte abdominale, en FID : les bactéries du cæcum (qui est accolé à la peau en FID) prolifèrent, dégradent les pigments biliaires qui s'y trouvent et produisent du gaz qui dilate le cæcum.
Par force pneumatique, les pigments biliaires (verts) migrent jusqu'à la peau.
Cette tache apparaît en 48h et devient bilatérale en 72h.
- Puis c'est tout le ventre qui devient vert, l'abdomen se distend car la cavité péritonéale est remplie de gaz +++. ( cf diapo : le ventre est vraiment énorme, genre on croit que le type était obèse alors que non)
Ce gonflement s'applique aussi au scrotum. (cf diapo : même remarque, c'est énorme)
A la fin, le ventre éclate
- La pression abdominale devient si forte qu'on observe une revascularisation centrifuge de tous les organes. (Normalement, les veines ramènent le cœur au sang par circulation centripète (merci de l'info))
c'est la circulation posthume ; elle entraîne deux conséquences :
Elle peut s'observer : ça ressemble à une circulation collatérale, mais avec des veines plus foncées. (le sang est noir)
Elle favorise l'envahissement bactérien : il y a un ensemencement de tout le corps à partir des bactéries digestives. C'est là que la putréfaction démarre vraiment. Il y a jusqu'à plusieurs milliards de bactéries par mL de sang.
- La peau devient toute noire. (cf diapo : la peau est vraiment toute noire, bilan de l'affaire on se dit "Huum, ce corps est le corps d'un obèse noir" alors que c'est celui d'un blanc maigre.)
Cette coloration noire peut être partielle. (cf diapo : touche ½ visage)
- Des phlyctènes putrides se constituent. (rappel : phlyctène : bulle cutanée remplie de sérosité transparente)
- C'est à ce moment que les mouches arrivent, (même à l'intérieur des cercueils) (je me répète, mais hourra) pondent, d'où asticots. (c'est de mieux en mieux) Ce phénomène participe à la destruction cadavérique, mais bien sûr ne fait pas partie de la putréfaction.
- A la fin, on obtient un joli squelette.
- Dans certains cas, il peut se produire des phénomènes de conservation :
Momification : il y a dessiccation des tissus sous-cutanés et des organes. Cela arrive quand le mort est dans un endroit aéré et chaud.
Adipocire : il y a transformation des graisses sous-cutanées en savon, or, le savon, ça conserve. Cela se produit quand le mort est dans un endroit humide et basique. (Mon dico : Adipocire = gras de cadavre : substance d'un gris blanchâtre, molle et grasse au toucher, provenant de la saponification des tissus chez les cadavres qui ont séjourné longtemps dans l'eau ou la terre humide)
- Remarque : la propriété qu'a le sang de ne plus coaguler après la mort peut aussi servir pour élucider les circonstances de la mort :
Pour une défenestration, si il y a des taches de sang, il peut s'agir d'un suicide, alors que si il n'y en a pas, c'est qu'on a jeté le corps déjà mort.
Idem pour un accident de voiture : la personne est-elle morte au volant, ce qui a déclenché l'accident, ou a-t-elle été tuée par celui-ci?
Si il y a des ecchymoses, elles ont forcément été faites quand le sujet était encore en vie.
- Remarque bis : la résolution musculaire intéresse aussi le sphincter anal, qui est donc très dilaté : attention à ne pas prendre ça pour un signe de viol. Si il y a eu viol, on devra aussi observer des lésions.
- Remarque ter : à l'inverse des ecchymoses, la plaque parcheminée ne s'observe que chez le cadavre : quand on manipule un cadavre, quand on appuie sur la peau, à ces endroits la peau peut se dessécher et prendre un aspect de parchemin. (sur la diapo, ça a un aspect cartonné mais aussi un peu plus foncé : marques des doigts sur le cou chez un mort par strangulation)
- Dernière remarque : les rats attaquent le corps par les extrémités (mains…), avec un aspect caractéristique cannelé de la morsure. Les chiens aussi dévorent les cadavres de leurs maîtres, mais de façon différente, caractéristique elle aussi.
C'est sur cette remarque d'une gaieté folle que se termine le cours.
 | Cordialement, Hélène, étudiante en médecine |