Voici (avec la permission du Dr Dupagne) la traduction en français d'un article intéressant paru récemment sur l'excellent site médical américain Medscape
(http://www.medscape.com/viewarticle/453159_print)
--------------------DES CHANGEMENTS D'HABITUDES DE VIE POURRAIENT PREVENIR OU INVERSER L'EVOLUTION DU CANCER DE LA PROSTATE
Emma Hitt, PhD
Chicago, 28 avril 2003 — Une bonne hygiène de vie, incluant régime pauvre en graisses, exercice physique et d'autres facteurs, pourrait contribuer à interrompre ou même à inverser la progression de cancers de la prostate chez des hommes placés sous surveillance attentive, si l'on en croit les résultats du premier essai clinique randomisé contrôlé sur le sujet.
L'étude était conduite par le docteur Dean Ornish, professeur de médecine clinique à l'université de Californie à San Francisco, et auteur de plusieurs livres de vulgarisation sur les bénéfices du régime pauvre en graisses pour inverser l'évolution des maladies cardio-vasculaires.
Le Dr Ornish et ses collègues ont présenté leurs résultats à la réunion annuelle de l'Association Urologique Américaine, qui s'est tenue ici.
Les chercheurs ont réparti au hasard 87 hommes porteurs d'un cancer de la prostate confirmé par biopsie, en deux groupes, un groupe intervention et un groupe témoin. Tous les hommes avaient des taux d'antigène prostatique spécifique (PSA) compris entre 4 et 10 ng/ml et des scores de Gleason inférieurs à 7.
Le groupe intervention a suivi un régime entièrement végétarien, pauvre en graisses, favorisant les aliments entiers non transformés. Sur le total calorique, 70% provenaient de sucres complexes et 20% provenaient de protéines, dont une grande partie du soja. Les membres de ce groupe ont également participé à des exercices physiques modérés en aérobie, à un programme de gestion du stress, et à un groupe de soutien psychosocial. Tous les hommes avaient décliné le traitement conventionnel.
Les sujets ont été suivis pendant un an, au cours duquel les PSA ont été mesurés deux fois au début, puis une fois tous les trois mois.
Après trois mois les taux moyens de PSA avaient diminué de 5% dans le groupe intervention, tandis qu'ils avaient augmenté de 1% dans le groupe témoin (p=0,045). De même, après un an les taux moyens de PSA avaient diminué de 3% dans le groupe intervention, tandis qu'ils avaient augmenté de 7% dans le groupe témoin (p=0,034).
On a constaté que les modifications des PSA tant à trois mois (p=0,047) qu'à un an (p=0,007) étaient directement corrélées avec l'adhésion au régime et au changement des habitudes de vie. "Le groupe témoin suivait le régime à 75%, comme le groupe intervention, et pourtant leurs PSA ont augmenté", observent les auteurs.
Les chercheurs ont également mesuré la croissance de la lignée de cellules prostatiques cancéreuses LNCaP après ajout de sérum des patients. Ils ont constaté que la croissance était inhibée de 67% dans le groupe intervention, comparé à 12% dans le groupe témoin.
"Il est possible que les changements d'habitudes de vie aient affecté la production de PSA sans affecter le cancer prostatique sous-jacent", a déclaré le Dr Ornish à Medscape, "mais l'inhibition directe des cellules LNCaP va contre cette hypothèse", ajoute t'il.
Le Dr Ornish a également fait remarquer que des études sur des migrants ont montré que lorsque des sujets consommant des régimes à prédominance végétarienne émigrent aux Etats-Unis, leurs taux de cancer de prostate augmente de façon spectaculaire. En comparaison, l'incidence du cancer prostatique microscopique montre peu de variation d'un pays à l'autre, ce qui laisse supposer qu'une forte consommation de graisses alimentaires et/ou de protéines d'origine animale pourrait favoriser le développement de tumeurs prostatiques cliniquement significatives.
La taille de l'étude n'était pas suffisante pour déterminer la contribution relative de chacune des composantes de l'intervention, a t'il observé. Mais il a suggéré que les urologues envisagent de recommander aux patients de s'engager dans des changements radicaux de régime et d'habitudes de vie, même pour ceux qui suivent un traitement conventionnel.
Il a ajouté que des changements radicaux de régime et d'habitudes de vie pourraient aussi réduire le risque de récidive chez les patients qui suivent un traitement conventionnel.
"Cette étude aborde une question importante qui préoccupe beaucoup de médecins et de patients", a déclaré à Medscape le docteur Philip Belitsky, professeur au département d'urologie de l'université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse au Canada.
D'après le Dr Belitsky, beaucoup de ses patients atteints de cancer de la prostate posent des questions sur les changements qu'ils peuvent faire dans leurs habitudes de vie, et beaucoup ont déjà entrepris d'importants changements d'habitudes de vie.
"C'est la première tentative systématique que je vois pour essayer d'aborder cette question, et je crois que cette étude sera saluée comme précurseur de beaucoup d'études plus vastes qui l'aborderont de façon plus systématique", a t'il dit.
Cette étude a été financée par des fonds privés.
98ème réunion annuelle de l'AUA : Abstract 105681. Présenté le 27 avril 2003.