Modifié le 22-12-03 à 21:03 (GMT)>J'ai accouché le 11 juin dernier<...>
>Après examen, l'obstétricien m'a dit ne pas pouvoir encore déclencher
>l'accouchement : l'utérus étant beaucoup trop haut. Nous avons donc
>attendu.
Bonjour, je vous réponds après avoir consulté un ami spécialiste.
C'était probablement l'enfant qui "était trop haut", non l'utérus. À
moins que n'ayez mal interprété le mot "hauteur utérine",
traduisant le volume utérin excessif sur un gros enfant.
On ne sait rien sur l'état du col, élément fondamental.
>A 14h00, un autre examen a révélé qu'il n'y avait aucun changement. Le
>gynéco a décidé de déclencher quand même l'accouchement.
De quelle façon ? on ne sait pas : perfusion d'ocytocine d'emblée ou
préparation par prostaglandines ?
>Les contractions ont donc commencé, mais elles ne servaient à rien : le
>travail n'avançait absolument pas.
Dystocie classique du début de travail, soit spontanée, soit comme
ici sur un déclenchement artificiel dans des conditions locales peu
favorables.
>La sage-femme m'a alors donné deux solutions: soit on me mettait sous
>péridurale pour essayer de faire avancer les choses, soit je devrais
>accoucher sous césarienne. J'ai préféré laisser une chance à mon bébé de
>naître par voie basse.
Pratique "moderne" où l'équipe obstétricale, au lieu de poser
franchement une indication thérapeutique et d'informer le malade du motif de ce choix, on fuit ses responsabilités au prétexte de faire participer le patient à la décision.
>Effectivement, une fois la péridurale posée, tout
>s'est relâché : la poche des eaux s'est rompue complètement et le travail
>a commencé. En 3h00, j'étais à dilatation complète et 25 minutes après, à
>21h00, je mettais au monde (non sans mal !) un beau petit garçon de 4.060
>kg et 54cm.
Donc en résumé, travail plutôt rapide après une dystocie de démarrage.
>Etant donné que c'était un très gros bébé, il a fallu utiliser les
>forceps et me faire une épisiotomie.
>Je tiens quand même à préciser que mon gynéco m'avait dit que j'aurai un
>petit bébé de 3.2 kg ! ! !
L'estimation du poids foetal à terme d'après l'échographie est
fréquemment entachée d'une erreur considérable (facilement 400 à
500 g en plus ou en moins). C'est le grand échec de l'échographie
obstétricale, qui attire beaucoup de sarcasmes aux échographistes,
dans la profession.
>Mais c'est au moment de la délivrance que tout a mal tourné.
>Le placenta n'est pas sorti, l'obstétricien a donc dû aller le chercher.
Correct.
>Mais le plus grave est que j'ai ensuite fait une hémorragie fulgurante.
>Mon utérus ne voulant pas se contracter, j'ai commencé à énormément
>saigner. Je me suis aussitôt sentie «partir».
>Le gynéco a alors suivi la procédure normale pour arrêter l'hémorragie :
>perfusions, cachetsŠetc.Š
>99% des hémorragies se stoppent ainsi.
Atonie utérine majeure résistant à toutes les thérapeutiques
médicales (dont nous n'avons pas le détail ni l'ordre de mise en
route). Cette résistance est un événement très rare, pouvant survenir
après l'accouchement le plus normal.
>En attendant de voir si le traitement faisait effet, ce monsieur est
>rentré chez lui ! ! ! et oui nous laissant seuls avec l'anesthésiste.
Il a de la chance que vous ayez survécu...
>1h30 plus tard ce dernier l'a rappelé en urgence : je continuais à
>saigner énormément ; mon utérus se remplissait au fur et à mesure malgré
>le fait qu'il appuyait dessus à fond, pour le vider. Ma tension était
>alors descendue à 4, mon taux d'hémoglobine à 5 ! ! ! Je tremblais de
>froid : mais il a fallu que mon mari leur demande de me couvrir pour
>qu'ils me mettent une couverture de survieŠ
>J'ai été transfusée de 7 poches de sang et de 3 poches de plasma en
>quelques minutes.
Dans une commission d'étude de l'INSERM sur la mortalité maternelle
il a été constaté que c'est presque toujours le
retard aux décisions qui est la cause des catastrophes. et ces décisions
ne sont pas toujours faciles.
>J'étais vraiment dans un très mauvais état, mais heureusement pas
>vraiment consciente.
>Quant à mon mari, personne ne s'est occupé de lui, personne n'a daigné
>lui parler : rien, pas un mot !
C'est un tort, mais on peut penser qu'ils avaient autre chose à faire.
>L'obstétricien et l'anesthésiste ont alors décidé de me transférer <...>
>Le SAMU est donc venu me chercher. Ils ont mis plus de 30 minutes à
>rétablir mes constantes <...>.
>Arrivée à l'hôpital, une équipe de plus de 15 personnes m'attendait.
><...>
>Ensuite, on m'a descendu au bloc pour me faire une embolisation,<...>
Beaucoup, beaucoup de retards accumulés (cf. ci-dessus), mais ça
s'est bien terminé, ouf.
>A 4h00 du matin,<...>
>Deux jours plus tard, <...>
>5 jours plus tard <...>.
>J'ai eu vraiment très peur, mon mari et tout notre entourage aussi. Le
>choc a été dur, et nous mettrons du temps à nous remettre.
On les comprend.
>Mais plein de questions restent sans réponse.
>Les médecins m'ont dit de ne pas envisager une nouvelle grossesse avant
>minimum 2 ou 3 ans.
2 ans = raisonnable. Pourquoi tarder davantage ?
>Ils m'ont dit aussi que je devrais de préférence me faire suivre dans un
>grand hôpital, car il y a des chances très élevées que je refasse la même
>chose lors d'un prochain accouchement.
CE N'EST PAS CERTAIN DU TOUT, mais effectivement, il vaut mieux
que vous accouchiez dans un hôpital équipé pour l'embolisation. De plus,
si vous avez de nouveau un accouchement dystocique, il y a des chances,
vu les antécédents, pour qu'on vous propose rapidement une
césarienne... ce qui ne supprime pas le risque, car il y a aussi des
hémorragies incoercibles sous césarienne - l'avantage étant qu'on se
trouve en position pour faire une ligature des hypogastriques (artères qui irriguent l'utérus).
>Pourquoi ai-je fait cette hémorragie ?
>Y a-t'il des terrains propices à ça ? des facteurs de risque ?
On peut toujours arguer qu'il y a ici des facteurs favorisants : gros
enfant, déclenchement artificiel, perfusion d'ocytocine... mais ces
"facteurs" sont si souvent présents dans l'obstétrique courante et
l'événement réel est si rare qu'on ne peut pas raisonner sérieusement
là-dessus.
Je suppose que vous n'êtes pas atteinte d'une affection constitutionnelle favorisant les hémorragies (manque de plaquettes sanguines, trouble de la coagulation etc.) Vos médecins ont du faire ces recherches.
>Qu'est ce qui a pu entraîner cela ?
Difficile de donner un avis personnalisé. En généra, les causes pour une
situation comme la vôtre sont :
- Atonie utérine majeure "primitive" (=imprévisible) ;
- Retard au passage à des gestes interventionnels (intervention).
>Cette atonie de l'utérus ne risque-t'elle pas d'avoir des conséquences
>par la suite ? pour une future grossesse par exemple ou une future
>naissance
>Pourrais-je à nouveau être enceinte ?
Si vos règles reviennent à la normale, vous pourrez de nouveau tomber enceinte.
>ou le fait que j'ai eu cette atonie
>de l'utérus va t'il poser des problèmes pendant la grossesse ?
Non.
>J'ai failli laisser mon mari et mon bébé seuls. Je me demande si je peux
>envisager une seconde grossesse au risque de laisser un mari et deux
>enfants seuls.
L'hémorragie reste encore aujourd'hui la première cause de mortalité
maternelle en France.
>Je sais que c'est très rare, qu'il n'y a qu'un cas sur 1000 et
>heureusement ; mais j'ai vraiment besoin de conseils et de réponses.
>Je n'ai pas trouvé de réponses auprès des médecins que j'ai interrogés.
>Ils se contredisent tous.
C'est normal, plus vous prendrez d'avis, plus vous aurez des sons de
cloche différents... et pas toujours très confraternels à l'égard des
intervenants précédents.
Ce qu'il faut c'est vous ayez UN gynécologue-obstétricien en qui
vous ayez confiance ET UN SEUL. De préférence quelqu'un d'instruit et
bien équipé, donc pas dans le fin fond de la campagne, mais pas forcément dans un CHU.
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Dr Dominique Dupagne Administrateur du Forum |