philip a écrit:
>
> j'ai une autre question a vous poser;
> j'ai lu sur ce site:
> http://iquebec.ifrance.com/alainriouxpq/shztxt1.htm
> que la schizophrenie ne serait apparue qu'au 19eme siecle.
> Pensez vous que cette information soit credible ?
> merciLa sémiologie (description) et la nosographie (classification des maladies) psychiatriques ne sont apparues qu’au XIX° siècle (disons à la fin du XVIII°). Et ce qu’on peut constater, c’est que la description et la classification des maladies ont depuis sans arrêt changé selon les lieux, les époques et les écoles.
Est-ce que ce sont les pathologies qui changent, ou bien le point de vue qu’on y porte ? Sans doute les deux. En tout cas bien malin qui pourrait situer l’apparition dans le temps de telle ou telle entité pathologique à partir des données écrites.
Cette question me rappelle une théorie très originale développée par un chercheur singulier, Julian Jaynes, prof de psychologie à Princeton mort en 1997. Elle pose l’hypothèse que le fonctionnement hallucinatoire était le fonctionnement humain « normal » lorsqu’est apparu le langage.
Nous aurions selon cette théorie d'abord communiqué par signes comme les autres primates, puis durant le Paléolithique le langage se serait progressivement élaboré, puis au Mésolithique (-10 000 à –8000) serait apparu ce que l'auteur appelle l'esprit bicaméral: l'homme, non encore conscient, prend ses décisions grâce à un discours halluciné qui maintient aussi la cohésion sociale autour d'un roi. Cette forme primitive de subjectivité se serait maintenue jusqu'au II° millénaire avant Jésus Christ, où elle n'aurait pas résisté à des multiples changements chaotiques et aurait laissé place à la conscience que nous connaissons.
Jaynes propose d'appeler cette organisation psychique première, pour la différencier de nos organisations subjectives conscientes, l'esprit "bicaméral", pour rendre compte de cette division entre une partie qui "commandait", appelée dieu, et une partie qui "obéissait", appelée homme.
Jaynes appuie cette théorie sur des données archéologiques provenant essentiellement du Proche-Orient (et un peu d'Amérique du Sud): analyse de textes (mésopotamiens, assyriens, hébreux, grecs), de données archéologiques (sépultures, édifices, effigies, iconographie), et de données historiques.
Il en propose un modèle neurologique basé sur la spécificité hémisphérique.
Il en tire une explication convaincante des oracles, de la possession, de la poésie, de l'hypnose, de la schizophrénie et même de la démarche scientifique.
Selon Jaynes, ce que nous appelons schizophrénie apparaît dans l'histoire comme une relation au divin, et ne finit par être considérée comme une maladie que vers – 400. La schizophrénie constituerait donc une sorte de séquelle évolutive de l‘esprit « bicaméral ».
Condensée et livrée ainsi tout à trac, la théorie de Jaynes peut paraître arbitraire ou incongrue. Mais sa pensée est rigoureuse, argumentée, prudente, critique, et très documentée. En tout cas, quelque soit ce qu'on en pense, elle donne à réfléchir sur la genèse de la subjectivité.
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Jean-Paul