Bonsoir Docteur,Vous savez très bien que je ne dénigre pas du tout les antidépresseurs, j'en ai pris pas mal et j'en prends toujours.
Mais ici Emma nous décrit une vie bien remplie, qui ne ressemble pas au vécu d'une jeune fille dépressive, mais plutôt d'une personne anxieuse vis-à-vis de ses études et de son avenir. Et Emma nous dit qu'elle n'a pas encore 18 ans, c'est à dire qu'elle est en fin d'adolescence (l'adolescence dure de plus en plus longtemps de nos jours).
Sur ces questions, je vous cite les propos d'un de nos plus grands spécialistes Français, le Docteur Xavier Pommereau, chef de service du pôle adolescence au CHU de Bordeaux (Le Monde du 17 septembre 2004) :
"... Dans mon service, quand on met un ado sous antidépresseur, on explique au jeune et à ses parents ce qu'on attend de cette partie du traitement. Car la prise en charge ne peut pas se limiter à la simple prescription médicamenteuse. Tant qu'un sujet ne peut pas inscrire sa dépression dans le contexte de son histoire personnelle et familiale, il est illusoire de croire que le médicament peut régler le problème. Ce qui ne va pas, c'est de recevoir un ado en consultation et, au bout de vingt minutes, finir l'entretien avec la prescription d'un médicament. Cette réponse est scandaleuse, car l'expérience prouve qu'on peut se tromper de A à Z avec un jeune. C'est difficile de définir la dépression à l'adolescence, beaucoup plus qu'à l'âge adulte. On ne peut donc pas se contenter d'une brève rencontre.
J'aurais tendance à considérer que la prescription des antidépresseurs ne doit pas être faite par les médecins généralistes. Cela me paraît être un médicament de spécialistes, comme certains antibiotiques ne sont pas du ressort des omnipraticiens..."
Question : La prescription de psychotropes augmente-t-elle chez les jeunes ?
"Oui, absolument. C'est le signe d'une société de l'anxiolyse qui cherche l'éradication du symptôme, plutôt que la réflexion sur les causes de son apparition. Ce qui me paraît très dangereux, c'est l'augmentation considérable de prescription d'anxiolytiques chez les enfants et les adolescents. On est parfois amené, dans mon service, avant toute prise en charge, à sevrer les adolescents que nous recevons, car ils sont accros aux médicaments depuis parfois deux ou trois ans ! Il y a là un vrai souci, car les jeunes utilisent, dans une attitude consommatrice, l'alcool, le cannabis ou les médicaments comme une gomme à effacer les problèmes et l'affrontement de la réalité".
C'est pourquoi si je peux me permettre, je lui conseillerais plutôt dans son cas une thérapie pour identifier les causes de cette anxiété, les schémas sous-jacents, et pour les faire évoluer doucement, parce qu'à son âge c'est beaucoup plus facile de faire bouger les choses, rien n'est encore figé, et cela peut éviter de prendre l'habitude des médicaments. Mais ce n'est évidement qu'un avis personnel, basé sur ce que je ressens de son message.
Cordialement,
Pandore