Tout d’abord merci pour votre réponse, c’est réconfortant.Je voudrai vous parler du sentiment d'être diminuer:
Certes on ne peut pas se mettre à la place de l’autre et je ne parle qu’à mon nom qui ne suis pas directement atteinte. C’est facile pardi !!!
- La diminution physique est vécu comme une atteinte à la dignité, il me semble que c’est ce qui est le plus dur à porter. Je n’ai pas une approche de psy mais tout simplement je me mets à la place de la personne et ça me parle.
On ne dira jamais assez que le regard des autres est mortel quand on voit dans leurs yeux de la pitié. Rien n’est plus difficile que de subir la présence de quelqu’un, débordant de bienveillance, qui se réclame « gentil avec les handicapés » et qui s’adresse à vous comme si vous étiez un débile ou un enfant.
- Je n’aborde pas la question de la réduction d’activités ou de l’incapacité à réaliser un certain nombre de choses : j’ai trop vu de gens ayant un incapacité physique parfois très importante à plusieurs niveaux, qui développaient un système D efficace et qui étaient bien plus actifs, créatifs, imaginatifs que beaucoup de gens valides.
- les gens proches comme vous le dîtes font du coucounil à outrance
C’est normal puisque la relation qu’ils instaurent avec la personne dépendante renvoie à des comportements que l’on ne connaît que quand on est enfant ou parent. L’envie de materner, de se sentir utile voire indispensable est un sentiment très égoïste. C’est pas évident d’en avoir conscience à tout moment.
- Je n’anticipe pas (trop) sur les capacités qu’à mon ami à effectuer les gestes de la vie quotidienne. Ce serait le faire stagner ou au contraire l’agresser en lui imposant un rythme, une marge de manœuvre décidés a priori qui seraient des freins à sa propre détermination à vouloir progresser à un rythme librement choisi.
Mais j’essaie de faire en sorte qu’il ne soit pas toujours en situation de demande et c’est là toute la nuance : entre trop faire et pas assez !!!
- Ce qui me préoccupe c’est ce que vous dîtes au sujet de la confiance en soi et l’impression d’être hors contexte.
Pourrais- je vous demander ce qui pourrait vous redonner confiance et vous resituez dans le « contexte » . En d’autres termes quels sont les moments où vous reprenez un peu confiance, que vous êtes bien avec l’entourage, que vous avez le sentiment d’exister socialement…
Je vous demande cela car si ça arrive même seulement quelques fois c’est le signe que c’est possible.
J’ai espoir en l’être humain parce ce qu’il peut mobiliser toutes ces ressources physiques et mentales surtout à des moments critiques de la vie . Mais le contexte dans lequel il vit, son entourage peut très bien le supporter, le soutenir ou bien au contraire le diminuer psychologiquement de façon irréversible.
A mon niveau je voudrai pouvoir jouer un rôle notamment au niveau de notre entourage mais aussi en l’aidant à se projetter dans l’avenir, en le soutenant dans ses projets, Rien n’est pire que de se sentir impuissant. Là aussi tout est dans la nuance, il faut savoir doser entre l’accompagnement discret et l’assistanat afin de ne pas instaurer une relation de subordination qui deviendrait chronique et que l'on ne maitriserait ni l'un ni l'autre.
Tout ceci me préoccupe beaucoup, d’autant qu’il n’y a que quelques mois qu’il est sorti du coma et déjà je ressens chez lui les stigmates de la souffrance morale et physique, de toutes ses plaies qui ne se refermeront jamais complètement.
Pouvoir en parler, même si ce n’est que pour déballer des banalités, même s’il n’y a pas de solutions miracles m’aident énormément, Je voudrai l’accompagner dans cette épreuve (que je vis comme une histoire à la Kafka). Il y laissera des plumes mais je suis convaincue que ça lui apportera une volonté et une joie de vivre qui se révèleront, à terme, positives.