Il faut quand même se dire que si la relation "courtisan"-"courtisé"
reliant le médecin à son malade tourne actuellement court, si l'exaspération
des "libéraux" les pousse à se tourner paradoxalement vers la tutelle
étatique (qui les oppressait tant selon nos dires), c'est surtout parce que
le corps médical dans son ensemble a du mal à s'adapter à "l'effet volume",
qui fait qu'il ne peut plus répondre à la demande de manière cohérente comme
du temps où, plus de médecins,
se battaient à se concurrencer autour de moins de malades.
Entendu parfois : "d'ailleurs, mon docteur et moi on se tutoyait".
Je crois que la dérive consumeriste des patients n'est pas toujours
l'enfant qu'on nous a "fait dans le dos", ce peut être aussi parfois le fils
naturel de certaines de nos dérives plus ou moins conscientes qui datent du
temps(pas si lointain) où l'on n'osait pas perdre le client.
Pardon si je dérange à dire que nous avons trop "tutoyé" nos malades..1) avons nous fait quelque chose pour "autonomiser" les malades par rapport
à nous?...Pourquoi ne pas autoriser une certaine dose d'automédication aux
usagers? Cela nous permettrait de passer de meilleures nuits qu'à livrer des
antiémetiques à trois heures du matin...
il n'y a qu'à voir l'effet des grippes et des syndromes gastroentéritiques
sur les activités des cabinets médicaux. Ne pourrait-on pas se demander à
quoi nous servons, certains jours, où les gens "prennent leur maladie au
début" en saturant les standards pour quelque gélule de loperamide ou
quelque paracétamol... Les "bac +8 sont ils bien employés à faire semblant
de guérir des maladies qui guérissent toutes seules?
Ne pourrait on pas arreter le discours démago sur le manque de médecins en
France? Bien sur il en manque en campagne pour les cas difficiles, il en
manque un de garde aux heures creuses mais les villes en ont encore une
armada qui se fait des c..... en or à soigner des rhinopharyngites virales,
à dépister des dérangements vertebraux minimes et des obesités
"secondaires"..Bien sur que ous ne serons jamais assez nombreux si les
patients nous demandent n'importe quoi!,
2)ce problème de la revalorisation de la visite à domicile est la fausse
bonne idée du siècle. Il faut, au contraire, dévaloriser la visite. Celle
qu'on déteste, celle dite de "confort". Il faut qu'elle disparaisse. Il faut
qu'une maman qui fait venir un médecin à son domicile pour le rhume de son
bébé n'ait même plus droit au remboursement du C.Il faut qu'aucun médecin
digne de ce nom n'accepte, dans son accord conventionnel avec la caisse, de
les assumer, ces visites à la française qui font qu'il faut bacler ensuite
les consultants...Il faut que le médecin qui aime passer quelques instants à
boire le café chez une patiente le mette sur la note de son plaisir, et non
sur celui de son travail.
Si demain la visite "passe" à 2OO francs, qui va oser hésiter à se "payer en
visite" son médecin généraliste , enfin "revalorisé" ? Ce sera pire
qu'aujourd'hui.
3)pourquoi ne pas considerer le conseil téléphonique comme une activité à
part entière qui ferait, là aussi, partie de l'éducation sanitaire des
patients? Le rendre quelque part "payant"... Faire que le patient qui
appelle pour éviter le soin ne soit pas privilégié par rapport à celui qui
se déplace ni, non plus, pénalisé par cette dose de haine qui point dans nos
attitudes...
Dans tout cela je vois encore et toujours l'effet pervers du paiement à
l'acte, qui pousse à la "consommation" des heures (et des "périodes") de
notre exercice où l'on aurait envie de travailler plus , et à la détestation
des malades dans les périodes de "surchauffe" où l'on ne rève que de trente
cinq heures...D'ailleurs, quand les défenseurs acharnés du paiement à l'acte
en viennent à rever d'une meilleure responsabilisation des assurés, ils en
viennent aussi à dire cette vérité pas évidente que ce ne sont pas les gens
qui paient, mais la "collectivité"....(collectivité = ensemble de gens)
4)enfin et surtout, pourquoi ne pas définir une fois pour toutes le concept
de "permanence de soins". Si le propos du "mieux offrant sanitaire" est de
nous transformer en distributeurs de soins ouverts jour et nuit, si cette
option est désormais inscrite dans le pacte sanitaire des soignés et de
leurs élus, qu'on nous le dise haut et fort.Pas avec la gestion coups-tordus
des médecins réquisitionnés.
Auquel cas on pourra se demander en quoi nous participons encore à la
maitrise des soins en prescrivant, le dimanche, un amoxicilline génerique à
dix centimes de moins sur un soin médicalement "injustifié" à 165 francs
d'honoraires en plus....
Si toutes ces petites choses sont éclaircies, peut être y aura t'il moins de
haine dans la relation libéral-client, euh, pardon, je voulais dire
"médecin-malade"....Peut être que les enfants "gatés" que nous avons
contribué à élever dans ce climat consumériste se retrouveraient finalement
à être moins courtisés, donc moins "haïs", et finalement pas plus mal
soignés. Peut être aussi que de jeunes médecins moins aptes que nous à
l'autoflagellation reprendront des clientèles devenues moins
indomptables....
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bruno lopez
médecine générale
31470 Fonsorbes