j'ai retrouvé cette citation de Jules RENARD: "si l'on batissait la maison du bonheur, la plus grande pièce serait la salle d'attente" au bout d'une année de messages internet avec ses amis, ses contradicteurs, au bout de milliers de mots conciliants ou discordants on se confond, comme de coutume, en centaines de pensées particulières en cette veille de Noel. La première devrait logiquement aller à ceux qui sont privés d'électricité, la deuxième à ceux qui n'auraient pas d'ordinateurs, de fax ou de mobiles pour communiquer, puis la troisième à ceux qui trouveraient encore le privilège de pouvoir crier leur détresse par tel ou tel moyen de communication, ordinateur inclus (je veux penser, par exemple, aux médecins réquisitionnés....) Finalement, dans cette année où les périls sont allés de l'infiniment petit (le prion) à l'infiniment grand s'écrasant sur deux tours de New york nous, généralistes, avons , un peu à la traine des autres, égrainé nos soufrances, nos revendications trop longtemps contenues. Paradoxalement nous avons rejoint LA SALLE D'ATTENTE, celle d'ou nous percevions les échos lointains et les fluctuations de remplissage. Avec, les premières années, l'angoisse des salles trop vides, et désormais, l'exaspération des salles qui n'en finissent pas de se remplir. Chez nous et partout. Hier au soir j'ai reçu un message d'un médecin d'ukraine recherchant à s'installer en France : "je suis pret à y accomplir toute spécialité" dit il . Il parle quatre langues, dit il encore, et s'attend à faire le métier d'infirmier avant de pouvoir, éventuellement exercer à nouveau. Au milieu des mails apeurés par la réquisition, par nos questions sur le prix du C et du V , j'ai eu la révélation de la complexité des pathologies de ce bas monde. J'ai pensé à ce "bac + 8 + Tchernobyl + Vodka + KGB + misère chronique" qui revait de loin de rejoindre enfin NOTRE salle d'attente, alors que nos prefets (ceux là memes qui réquisitionnent...) la leur refusent. J'ai pensé à cet interne parisien, chef de syndicat en herbe, fier d'avoir obtenu le congès paternel et la prime doublée du samedi matin, éminents symboles de générosité auto octroyée sur l'oppression que les autres (les "patrons") leur infligent. Je me suis aussi demandé si nous n'étions pas parfois, nous les cheminots, nous les gendarmes, nous les instituteurs et maintenant nous les médecins les "salles gosses" de cette salle d'attente qui s'étend plus loin qu'à Matignon, Bercy ou pire, la Maison blanche. J'ai pensé en fait à tous ces gens, dont je fais certainement partie, à nous tous, enfants gatés, qui étions en train de déchirer les rideaux , de souiller les murs de revendications parfois indécentes et de tout saccager à trop confondre attente et exigence, matérialisme et bonheur, de peur de laisser passer notre tour. J'ai révé d'une salle d'attente réaménagée où les plus pressés ne seraient plus, non seulement les premiers, mais, pire encore les seuls, servis. A en devoir rappeler sur quoi cette salle avait à déboucher : sur le respect, d'abord. Le bonheur, on ne verrait qu'après. J'ai révé aussi de meilleurs médecins.
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