Bonjour Madnar,Je vais vous donner mon point de vue de généraliste. Vous aurez peut-être aussi ceux de Jean_Paul, qui est psychiatre, ou de parents qui ont vécu cette pénible situation. Pour les schizophrènes du forum, je ne sais pas s'ils souhaitent évoquer cette période douloureuse de leur maladie. Néanmoins, ils pourraient nous dire qu'est-ce qui leur paraitrait, avec le recul, le comportement le mieux adapté de l'entourage face à cette situation.
Je ne parle que de ce que je connais, à savoir la situation française.
Nous, les généralistes, sommes aux premières loges pour gérer les bouffées délirantes.
En effet, au cinéma, la famille appelle l'hôpital qui envoie une ambulance avec deux grands costauds. Le délirant les suit gentiment et arrive dans une merveilleuse clinique au milieu d'un site enchanteur ; de charmantes infirmières prennent en charge le "fou" qui se repose à l'ombre des arbres pendant que sa famille lui apporte des chocolats. Il sort guéri quelques semaines après.
Dans la vraie vie, les choses sont légèrement différentes... Elles ressemblent à ce que vous vivez actuellement.
Il n'y a pas d'infirmiers costauds, mais un pauvre gars tout seul qui refuse de "charger" un malade agité. Les pompiers ou la police refusent généralement de gérer ce type de problème (sauf s'il y a trouble de l'ordre public).
Il y a un généraliste, appelé en urgence, qui n'est pas forcément un catcheur. Néanmoins, avec l'aide de l'entourage, il est parfois possible de faire une piqûre calmante. Il reste parfois un peu de raison au délirant pour être raisonné et accepter de se rendre sans violence à l'hôpital, présenté comme un lieu de repos. Mais les délirants refusent souvent catégoriquement d'être hospitalisés ou flairent le piège et refusent d'aller à l'hôpital malgré des paroles apaisantes.
Si l'on arrive à faire en sorte que le délirant arrive à l'hôpital, la partie n'est pas gagnée pour autant, car il faut une procédure spéciale pou soigner quelqu'un contre sa volonté (voir plus bas).
L'hôpital psychiatrique, seul adapté à ce type de patient (avec certaines cliniques spécialisées), n'est pas un lieu paradisiaque, mais un batîment souvent sordide, peuplé de fous inquiétants, hagards ou agités, et ressemble à l'antichambre de l'enfer. Il faut beaucoup de courage et de confiance pour accepter d'y "abandonner" un être cher, d'autant que les visites sont généralement interdites.
Le traitement de la bouffée délirante (dans le cadre d'une psychose ou d'une dépression) repose exclusivement sur les médicaments, qui vont stopper le délire. Aucune psychothérapie n'est possible à ce stade.
Si le délirant est hospitalisé, s'il sort apparemment guéri, encore faut-il qu'il continue à prendre ses médicaments une fois sorti, et ce n'est pas évident.
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HOSPITALISATION SUR DEMANDE D'UN TIERS
En pratique, du fait de la nécessaire protection des libertés individuelles, la procédure pour soigner quelqu'un qui refuse des soins nécessaires est strictement réglementée : c'est l'HDT ou hospitalisation à la demande d'un tiers.
http://www.paris-nord-sftg.com/patients.HDT.expose.0101.htm
http://www.ch-henriey.fr/hospit/HD.HTM
Le médecin généraliste rédige un premier certicat (modèle dans les liens ci-dessus) et trouve un moyen pour que le patient soit amené à l'hôpital psychiatrique du secteur ou dans une clinique spécialisée. Un autre médecin examine le délirant et rédige un deuxième certificat confirmant la nécessité d'interner la malade pour le protéger de lui-même et lui prodiguer des soins appropriés. Le malade est alors hospitalisé contre sa volonté, ne peut sortir librement, peut être contraint physiquement, notamment pour l'administration des traitements.
Le rôle du généraliste est également d'expliquer à la famille, totalement déboussolée, la nécessité de cette procédure. Il faut convaincre, rassurer sur l'horreur qui va être vécue dans les heures qui suivent en expliquant qu'il n'y a pas d'autre solution. Tout cela prend beaucoup de temps, n'est pas bien rémunéré, mais fait partie des moments forts de notre métier.
Ensuite, à la sortie de l'hôpital, le généraliste doit tisser un lien fort avec l'ex-délirant revenu à la raison, pour le convaincre de ne pas arrêter le traitement (il l'arrêtera quand même...), pour apporter du réconfort, et faire en sorte que le malade le considère comme une aide, un allié contre la maladie et non le bourreau qui l'a fait enfermer. Il faut aussi convaincre de la nécessité d'associer un psychiatre au suivi. Pas facile tout cela.
Pour la suite, je vous invite à lire les témoignages de schizophrènes sur ce forum, mais il n'est pas dit, même si cela paraît probable, que la personne dont vous parlez soit schizophrène. La seule chose que ce forum ne pourra pas vous apporter, c'est un diagnostic.
Restez en contact avec nous, nous pouvons vous aider.
Un autre lien sur l'hospitalisation d'office, différente car requise par la force publique pour troubles publics :
http://www.laportedudroit.com/htm/juriflash/droit_medical/hospitalisation/hospital_office.htm
Un lien sur la surveillance des malades hospitalisés :
http://www.laportedudroit.com/htm/juriflash/droit_medical/obligationinfo/obligation_surveillance_patientspsy.htm
Bon courage,
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Dr Dominique Dupagne Administrateur du Forum |