Bonjour Corinne et les autres,J'ai lu ton histoire avec bcp d'attention, et j'ai l'impression de m'entendre parler. J'ai posté mon premier message hier sur ce forum, en réponse au poème de Remi (Ski Zoo).
Je vis un peu la même chose que toi (je suis Belge aussi), j'ai un ami psychotique, Arthur (nom d'emprunt, par respect pour lui). On ne m'a jamais dit clairement qu'il est schizo mais il en présente tous les symptômes + les médicaments qu'il prend.... Heureusement je ne suis pas amoureuse de lui (ou bien? je ne sais pas). Mais j'éprouve une immense tendresse envers lui, parfois je voudrais le serrer très fort dans mes bras, lui caresser les cheveux, lui murmurer des mots doux pour qu'il se calme et pour chasser ses fantômes à jamais. Je voudrais hurler pour qu'ils s'en aillent! Je voudrais lui tenir la main pour le réconforter quand il a peur, lui dire qu'avec moi il ne doit craindre rien ni personne, que l'amour et l'amitié le protègent contre tout ce qui est mauvais.
Jusqu'à il y a peu, je vivais dans la certitude qu'un jour il allait s'en sortir, un jour il allait redevenir "normal". Maintenant que je sais ce dont il souffre, je réalise que probablement il portera cette maladie toute sa vie. Peut-on en guérir? Un peu, beaucoup, pas du tout? J'aimerais tellement savoir!
Je vais faire comme toi et raconter notre histoire, ça me fera du bien de partager, et ce serait peut-être un bon témoignage pour les amis de patients.
Arthur a la chance d'avoir des parents formidables (moi aussi par ailleurs). Adolescent, il était beau, sportif, intelligent, populaire, bref toutes les filles tombaient pour lui, ma soeur incluse. Je ne le connaissais que de nom à l'époque, et je l'ai rencontré il y a trois ans, il avait 25 ans. Il était bizarre, et je me demandais, tiens, voilà donc le grand tombeur de ces dames? Mais comme j'aime les gens qui ne sont pas comme les autres, je voulais apprendre à mieux le connaître. J'ai appris qu'il avait été très dépressif récemment, suite à une rupture avec une fille, et qu'il avait été violent à l'égard du nouveau copain de celle-ci. Bizarrement, ça ne m'a pas fait peur, au contraire, je me disais qu'il devait vraiment avoir le coeur brisé et je voulais l'aider. Moi-même je sortais d'une longue relation qui m'avait laissé le coeur en miettes avec dépression et anorexie à la clé... J'étais donc dans un état labile aussi, disons que nous étions deux fous à se rencontrer au bon moment! ;o)
Nous sommes sortis ensemble, il a bien fallu que je prenne les devants... Il m'embrassait du bout des lèvres, comme s'il ne voulait pas se "donner" plus que ça. Une relation de 2 mois a suivi. Il était souvent perturbé, ses pensées n'étaient pas strucurées, il avait des réactions très brusques sans vouloir donner d'explications, il était parfois très méchant verbalement et irrespectueux envers moi, il était introverti, ne répondait jamais directement à mes questions, il me regardait rarement droit dans les yeux, il secouait la tête en fermant les yeux, il faisait des gestes qui ressemblaient à ceux que font les autistes (comme s'il voulait se barricader derrière ses bras). Je connais très bien les handicapés mentaux mais eux ils sont nés comme ça, alors je me demandais comment ça se faisait que lui avait des réactions si bizarres. Souvent je réalisais qu'il mentait, au fait il camouflait la vérité, par exemple au sujet des ses études universitaires qu'il n'a pas pu terminer. Par honte, je crois. Je ne parvenais pas à savoir ce qu'il faisait tout au long de la journée, puisqu'il ne travaillait pas.
Je ne me souviens que d'un seul geste de tendresse spontané de sa part (il y en a eu si peu!): tout d'un coup, il a mis un bras autour de mes épaules, m'a embrassé la joue et m'a dit: "tu sais, il t'aime bien le petit Arthur". Et c'est tout...
Après 2 mois j'y ai mis un terme, je n'avais même pas l'impression que ça lui faisait quelque chose! Ensuite je suis partie à l'étranger pendant 3 mois pour mon travail, et comme il montrait si peu d'enthousiasme à garder contact, je me suis dit, après mon retour: eh ben tant pis, qu'il aille se faire foutre! Je réalisais qu'il était profondément malade (mais loin de penser à la schizo), je lui avais dit quelques fois d'aller voir un psy (je le faisais moi-même!) mais il se moquait de moi: les psys c'est pour les minables, et lui se croyait encore fort! Je m'étonnais que ses parents ne s'en rendaient pas compte, mais les parents ne sont-ils pas toujours un peu aveuglés par l'amour qu'ils portent à leurs enfants? Enfin je ne trouvais pas que c'était de mon devoir d'avertir ses parents. En plus il avait quand-même bcp de copains. Donc je ne me suis plus souciée de lui pendant des mois.
Quelqus mois plus tard je suis sortie avec le garçon qu'il avait tabassé, et je trouvais que la moindre des choses était de l'avertir. Suite à notre conversation (qui s'est très bien passée) je me suis rendu compte qu'au fait il tenait fort à moi et m'appréciait. Ma nouvelle relation n'a tenu que quelques semaines mais ça m'a permis de renouer contact avec Arthur. Depuis lors je le vois avec plus ou moins de régularité.
Il y a un an et demi j'ai connu un nouvel amour (de brève durée, une fois de plus) qui ne voulait plus que je me soucie d'Arthur. Etait-il jaloux, protecteur, ou sans compassion? Toujours est-il que pendant de longs mois j'ai un peu abandonné Arthur, chose que je regrette énormèment aujourd'hui. Car à cette époque il a fait sa première psychose et je n'étais même pas là pour l'aider, je l'ai appris plus tard quand il est entré à l'hôpital.
En tout cas depuis son internement il y a 9 mois, je l'appelle souvent, je lui rends visite, et on se voit quasi tous les week-ends (il peut rentrer à la maison alors). Il a accepté sa maladie, et m'en parle très ouvertement, et depuis lors je le trouve extrêmement gentil et doux. Il ne ment plus. Je l'encourage tout le temps de me dire ce qu'il ressent ou pense, et qu'il ne doit jamais avoir honte ou peur de me raconter cela. Je ne me moque jamais de lui et je crois que ça le pousse à se confier à moi. Je réalise que c'est un grand honneur qu'il me fait et je chéris cela. Il me pose bcp de questions aussi du genre: "est-ce que c'est normal?", "est-ce que tu entends ça aussi, tu vois ça aussi?"... En cela il a bcp changé comparé à il y a 2-3 ans. Maintenant il est plus pur, plus vrai, plus sincère et honnête, même si ses pensées peuvent parfois être très chamboulées. J'essaie de le pousser à relativiser cela. A se relaxer, et écouter son corps plutôt que ses p'tites voix.
J'essaie de l'encourager en faisant du sport ensemble, en lui donnant des compliments quand il fait qqch de bien, en stimulant sa curiosité, en lui racontant des blagues... J'adore quand il rigole, cela arrive trop peu souvent et je lui dis alors comme j'aime le voir sourire... Je réalise que j'ai une immense influence sur lui, je crois qu'il fait bcp d'efforts pour me faire plaisir. C'est un motif comme un autre pour essayer de guérir. En plus je réalise que je suis d'un grand réconfort pour sa maman aussi. Après tout entre femmes on se comprend mieux... parce que je ne crois pas qu'elle arrive à communiquer aussi bien avec les amis de son fils (qui heureusement tout comme moi continuent à le soutenir).
Chère Corinne,
J'admire le courage que tu as eu de sortir avec Xavier et en même temps je me dis, quelle folie que la tienne, de t'engager dans une relation amoureuse avec un schizophrène. Et puis je regarde mon propre coeur, je sens que mes sentiments pour Arthur ne sont pas purement amicaux... Il m'attendrit. Mais je ne vais pas m'engager plus loin que l'amitié et la tendresse fraternelle, car je ne crois pas que je rendrais service à Arthur, ça nous perturberait tout les deux!!
Maintenant que je sais de quoi il souffre, je réalise combien cette maladie est méconnue. Moi-même, je n'avais qu'une vague idée de ce que c'était. Je voudrais que tout le monde sache ce que c'est (vu que 1% de la population en souffre) et puisse accepter Arthur et les autres comme ils sont. Mais les gens en ont peur. De quoi a-t-on peur? De ce qu'on ne connaît pas! On a peur de l'orage, des araignées, des trisomiques, des Arabes... Je voudrais me promener avec Arthur au grand jour et dire à tout le monde qui passe: "il est différent mais il ne faut pas avoir peur, il est génial à sa façon!". Je suppose que tous ceux qui entourent les schizophrènes ressentent cela?
Voilà un bien long témoignage, plus long que prévu, où je n'ai parlé que de moi-même. J'espère néanmoins avoir apporté ma petite pierre à l'édifice... et je continue à lire attentivement les autres témoignages!
Je souhaite à Corinne beaucoup de plaisir avec son enfant, et bcp de courage, mais quand on aime tellement, cela va presque de soi... n'est-ce pas?
Inis