>Infliger à un handicapé une naissance
>qui aurait pu lui être
>évitée, c'est LUI porter préjudice.
>Voilà le sens de ce
>qu'a dit notre Cour de
>cassation. Cette avis est d'une
>sagesse d'autant plus évidente que
>l'inverse reviendrait à dire :
>"éviter la naissance d'un handicapé,
>c'est uniquement dans l'intérêt de
>ses parents (ou de la
>collectivité)". Je ne suis pas vraiment d'accord avec l'inversion de la phrase (mais tout dépend de ce que tu veux dire par "inversion"). Le "contraire" pourrait être : "infliger à une handicapé une naissance qui aurait pu être évitée ne peux en aucun cas constituer pour LUI un préjudice", c'est d'ailleurs le sens de la proposition de loi.
>
>En effet si, comme certains voudraient
>imprudemment légiférer, "nul ne peut
>exciper du préjudice d'être né",
>seuls les parents peuvent alors
>être indemnisés d'une "naissance évitable".
>Ce serait admettre qu'on élimine
>des foetus dans le strict
>intérêt de leur entourage et
>non dans l'intérêt propre des
>handicapés à naître, leur naissance
>ne pouvant être un préjudice
>pour eux-mêmes.
C'est exactement cela. Si l'on se place dans une attitude générale pro-avortement, on considère que l'intérêt de la mère prime sur celui de l'enfant à naître. Les adversaires de l'avortement considèrent au contraire que l'intérêt de l'enfant à naître prime sur celui de ses parents.
>Une telle acception du dépistage anténatal
>serait à l'évidence intolérable.
Pourquoi ?
>Certes,
>nous sommes désormais, et de
>longue date, dans une société
>eugéniste. Inutile d'occulter la réalité
>avec des cris d'orfraies :
>notre société a choisi d'éliminer
>ses foetus handicapés, autant qu'elle
>le peut. Qui plus est,
>elle accepte pour celà d'éliminer
>un nombre équivalent de foetus
>non handicapés - victimes des
>"dommages collatéraux" de l'amniocentèse.
Un détail important, ce n'est pas la société qui décide d'éliminer le trisomique, ce qui serait en effet de l'eugénisme, mais les parents qui peuvent décider ou non de laisser la grossesse se poursuivre. Cette décision individuelle ne peut être assimilée à de l'eugénisme.
>Mais, au moins, tâchons de dire
>que cet eugénisme est dans
>l'intérêt même des enfants à
>naître, faute de quoi nous
>serions de vulgaires assassins.
Tu relances là le difficile débat sur l'avortement.
>L'intérêt des handicapés est de ne
>pas naître. C'est ce que
>je pense.
Hum, certains handicapés pourraient sursauter en te lisant, heureusement, tu poursuis :
>Je n'interdis pas
>à d'autres de penser que
>la vie la plus misérable
>est un cadeau de Dieu
>dont Il doit être remercié,
>mais je préfère glorifier le
>Créateur pour nous avoir donné
>la capacité de nous affranchir
>de la souffrance, et surtout
>d'en affranchir autrui, ce qui
>est encore plus beau.
Voilà cette fois ci de l'eugénisme pur et dur, non ?
>Techniquement, reconnaissons que cette position pose
>bien plus de problèmes qu'elle
>n'en résout. L'attitude "laissez-les vivre"
>est autrement plus confortable, puisqu'elle
>libère le praticien de toute responsabilité.
En effet.
>En tous cas, il ne saurait
>y avoir "d'amniocentèses excessives" ou
>"d'interruptions de grossesse injustifiées", comme
>certaines cassandres disent qu'il devrait
>résulter de cette nouvelle jurisprudence.
Cassandres dont je suis. Une autre attitude confortable après la reconnaissance du préjudice d'exister, pourrait être pour le médecin de pousser systématiquement à l'élimination du foetus "douteux".
>Bien au contraire, elle attire
>l'attention des praticiens sur la
>nécessité de se conformer exactement
>aux données acquises de la
>science et aux bonnes pratiques
>édictées par les autorités professionnelles
>compétentes. Il n'y a pire
>erreur en médecine que se
>croire investi d'un droit individuel
>de décision contraire aux maigres
>acquis de la communauté -
>aussi volatils que soient ces
>derniers.
Voila un point où je partage ton opinion, le seul mot "ordonnance" me dérange. Mais en matière de conseil médical, il n'y a parfois pas besoin d'ordonner ; la seule mise en évidence d'un doute suffit à emporter la conviction de la famille, et le foetus avec...
>De nos jours, toute
>situation de doute décisionnel doit,
>à l'évidence, faire l'objet d'une
>expertise collective et d'une implication
>du patient.
En effet, on peut imaginer que les échographies foetales difficiles soient désormais collectives et que le rapport collégial soit remis sans commentaire à la patiente "pour décision". Ce peut être une piste intéressante.
>Il est vrai qu'un grand danger
>serait de céder à la
>politique du bouc émissaire, tendant
>à imputer aux professionnels la
>responsabilité de résultats décevants, tout
>simplement parce qu'il est plus
>facile de demander réparation à
>un individu qu'à la Société
>ou à la Providence. Il
>faut donc sans relâche répéter
>d'une part l'incomplétude des connaissances
>scientifiques et de la fiabilité
>technique, d'autre part le dogme
>de la responsabilité professionnelle qui
>s'arrête à l'obligation de moyens.
Tu vois, finalement nous tombons d'accord !
>(...) Certes, la
>plupart d'entre eux font du
>mieux possible, le plus souvent
>possible. Mais il n'empêche que
>certains sont moins capables que
>d'autres, que même les meilleurs
>peuvent avoir des moments d'égarement,
>et que nous ne ferons
>rien pour lutter contre ces
>problèmes, si nous feignons de
>croire qu'ils n'existent pas.
Certainement. Mais alors, il faut aller jusqu'au bout, et recoter l'échographie foetale 2000 F et non 300 F. Ce droit au taux d'erreur incompressible a un nouveau coût avec l'indemnisation du handicap, ce nouveau coût doit être répercuté sur l'élément décisionnel.
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Dr Dominique Dupagne