Voici un texte récent ecrit pas des spécialistes du sujet qui résume bien la situation actuelle : Qui eut dit que l’électroconvulsivothérapie ( E.C.T.) demeurerait d’actualité à l’aube du troisième millénaire ?
Thérapeutique dont l’efficacité ne peut-être contestée, l’ECT est toujours un point de cristallisation d’images négatives véhiculées dans le grand public à propos de la psychiatrie et des maladies mentales : images de violence et de barbarie, d’empirisme extrême, d’agression du cerveau et de l’intelligence, de menace de la liberté humaine. Certains psychiatres mêmes contestent la pertinence d’un recours à cette technique thérapeutique, aux motifs plus idéologiques que scientifiques, d’un risque de destruction irréversible de cellules nerveuses : « Moi ? Faire des électrochocs vous n’y pensez pas ! » A tel point, que des structures de soins spécialisés en psychiatrie sont dans l’incapacité de proposer ce type de traitement ! Singulière position que celle de l’ECT : ultime recours efficace dans bien des cas (cette signification est passée dans le langage non médical : quand tout va mal sur le plan économique tel décideur envisage un électrochoc à l’économie),l’ECT est aux yeux d’un grand nombre la caricature d’une psychiatrie irraisonnée, plus inquiétante que rassurante.
Pourtant l’ECT demeure la thérapeutique de référence dans un certain nombre de situations pathologiques : les troubles dépressifs mais également les états délirants, l’agitation, les schizophrénies résistantes, la confusion mentale. Par un effet de stimulation cérébrale induite en provoquant un passage de courant électrique durant quelques secondes, l’ECT déclenche une crise convulsive généralisée de type grand mal, dont l’action thérapeutique est médiée par divers remaniements : neurophysiologiques, cellulaires, moléculaires.
Les mécanismes de l’action thérapeutique de l’ECT demeurent néanmoins mal élucidés. La plus ancienne des thérapeutiques contemporaines garde une large part de mystère entretenu par l’ignorance des effets biologiques qui sous-tendent l’action thérapeutique.
Durant les dernières décades l’ECT a reçu un élixir de jouvence par : une extension de sa pratique (on n’a jamais pratiqué un aussi grand nombre d’ECT que durant ces dernières années dans les pays les plus en avance en matière de psychiatrie) témoignant d’un regain d’intérêt, une intensification des recherches destinées à mieux cerner les divers effets de cette thérapeutique et à affiner les indications. Ce mouvement est amplifié par la modernisation des appareils utilisés pour délivrer le stimulus électrique, offrant la possibilité d’un enregistrement électroencéphalographique contemporain de l’administration du stimulus ; ces progrès technologiques laissent espérer la découverte d’indices permettant de comprendre mieux la séquence des effets de l’ECT et in fine ses mécanismes d’action.
Le recours aux techniques de neuro-imagerie cérébrale, anatomiques ou fonctionnelles, la possibilité d’utilisation de radio ligands objectivant l’expression génomique relayée par des facteurs de transcription, participe à l’intérêt de la neurobiologie et de la neurogénétique pour l’ECT. Ainsi « la vieille thérapeutique du futur » (3) devient-elle un champ d’investigations nouvelles, une voie de découvertes susceptible d’améliorer la compréhension du fonctionnement neuronal ordinaire et pathologique !.
Le dogmatisme idéologique apparu en milieu du 20ème siècle avait pratiquement condamné l’ECT : la spéculation s’accommodait mal de cet outil. Le retour à une volonté thérapeutique pragmatique, apparue durant les deux dernières décades du 20ème siècle, a bénéficié à l’ECT… davantage encore aux patients dont les souffrances et l’évolution sont radicalement transformées par cette thérapeutique. Un discours objectif sur l’ECT, son intérêt pratique, ses avantages et inconvénients, ses effets biologiques, les fantasmes qu’il peut susciter, est redevenu possible.
Ainsi après Claude Bernard, ou encore après Lapipe et Rondepierre utilisant la « sismothérapie » dans les années 40, il est aujourd’hui licite pour les psychiatres de réaffirmer : « nous pouvons plus que nous savons ».
Contrairement à ce qui s’est produit dans bien des établissements psychiatriques, à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, l’ECT a toujours fait partie des thérapeutiques mises en œuvre pour lutter contre les affections psychiatriques : l’ECT a même résisté à la découverte, dans ce même hôpital, de la chlorpromazine en 1952 (2), des antidépresseurs en 1957 (1), des vertus prophylactiques des sels de lithium au début des années 70 (in 4). Comme dans la plupart des services universitaires de psychiatrie à travers le monde, l’ECT est devenue de plus en plus souvent prescrite à partir des années 80. Plus encore : c’est au cours des années 90 que fut réintroduite la pratique de l’ECT de maintenance(, administration d’un traitement préventif des rechutes toutes les 2 à 6 semaines). La renaissance de l’Ect de maintenance eut lieu à l’hôpital Sainte-Anne sous la houlette de Henri LOO pour des patients ayant mis en échec toutes les autres possibilités thérapeutiques, y compris médicamenteuses.
BIBLIOGRAPHIE
1.Delay J. Psychopharmarcology Frontiers. 2° International Congress of Psychiatry. In N. Kline ed., Comptes rendus, 1957, pp.426-428.
2.Delay J ,Deniker P, Harl JM ,Utilisation en thérapeutique psychiatrique d’une phénothiazine d’action centrale élective (4560 R.P ) . Ann. Med. Psychol.( Paris ) 1952, 110, 112-117.
3.Loo H. Un demi-siècle d'électrochocs ou la vieille thérapeutique du futur. Encéphale, 1984, 10: 245-246.
4.Loo H, Olié JP, Gay C. Le déprimé et son lithium, Masson, Paris,1989, 167p.
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Dr Dominique Dupagne Administrateur du Forum |