Cher Nicolas Perruche, le legislateur a donc décrété que le recours intenté en ton nom propre était illégitime - tout comme le long combat mené pour qu'il aboutisse en cassation.
Autrement dit : Nicolas, ta mère avait le droit de se plaindre, toi non.
Une faute explique que tu sois né, mais nous interdisons dorénavant que tu puisses demander au fautif réparation des dommages que t'a infligés ta venue au monde.
Aucun enfant ne pourra pas attaquer en justice le violeur de sa mère au motif qu'il a provoqué sa naissance, afin d'obtenir réparation du dol qu'il en a résulté.
Cette interdiction vaut désormais pour tous les enfants à naître, exonérant désormais la société de toute obligation vis-à-vis d'eux.
Si la société s'acharne à perfectionner les moyens de dépister le handicap in utéro afin de permettre l'élimination des foetus trop gravement atteints, c'est bien pour l'unique confort des parents, car elle se lave les mains de l'état de l'enfant né - qui n'aura pas à se plaindre de ce qu'on l'ait, par erreur ou par incapacité, laissé vivre.
Les parents, qui ont choisi de concevoir et ainsi pris la responsabilité d'avoir un enfant à élever - quel que soit son état, puisque les handicaps fonctionnels les plus sévères ne sont pas, loin de là, tous dépistables in utero, ces parents ont donc le droit de demander, pour eux-mêmes, un indemnisation pécuniaire si l'enfant né ne leur convient pas et qu'ils ont la chance de trouver un fautif de la naissance. Et ils peuvent bien, en droit, utiliser cette indemnité à quoi bon leur semble !
L'enfant, lui, est désormais définitivement privé d'un droit que l'on accorde à ses parents - alors même qu'aucune garantie ne lui est faite de profiter de l'indemnité perçue par eux.
Jean-François Mattéi a défendu "sa" loi avec un argument spécieux, et fallacieux, selon lequel l'arrêt de la Cour de cassation pourrait autoriser "un enfant né par la faute
de sa mère de demander réparation à celle-ci". C'est une ineptie sans pareille : où est la faute d'une mère qui choisit de garder son enfant ? Cela n'existe aucunement dans notre droit ! Une telle dérive ne serait possible que si une loi spécifique rendait obligatoire l'interruption de toute grossesse jugée à risque.
Ce qu'il fallait légiférer est :
NE PEUT ETRE CONSIDERE COMME UNE FAUTE LA DECISION DE LAISSER NAITRE UN ENFANT
Voilà une loi qui s'oppose a l'eugénisme totalitaire, qui protège totalement les praticiens, et qui reste à voter !
C'est une grave erreur, je pense même une faute historique, d'avoir voté la "loi Mattéi" en lieu et place de celle qu'il fallait prendre. Il fallait au contraire laisser la possibilité à tout enfant de demander réparation du dol lié à sa naissance si elle était évitable, cette réparation incombant par défaut à la société - et seulement dans quelques cas précis à un éventuel fautif.
Quant à la possibilité pour "un enfant handicapé par la faute
de sa mère de demander réparation à celle-ci", c'est bien un tout autre débat que celui déclenché par la hausse des primes d'assurance des échographistes. Il n'y a d'ailleurs là aucune notion d'éthique, mais un simple cas de droit civil.
Pierre RIMBAUD