Je copie ici un texte de Jean-Paul posté sur Usenet Nous avons lu ces temps-ci à plusieurs reprises sur ces forums des
interrogations sur la possibilité pour un enfant handicapé par la faute
de sa mère de demander réparation à celle-ci.
La question ne s'est pas posée en droit français, alors j'ai recherché
dans le droit anglo-saxon .
Notons que ce droit, qui se réfère donc à la "common law" anglosaxophone,
est un droit essentiellement jurisprudentiel, plus flexible que le notre,
et un droit ne faisant pas la distinction entre droit public et droit
privé (je parle sous le contrôle de M'ame Anne-Claude).
Et notons que l'organisation judiciaire est également différente. Par
exemple, la Cour suprême du Canada fonctionne comme une cour de dernier
ressort (et non de cassation) générale pour tous les tribunaux canadiens,
et connait des litiges relevant de tous les domaines du droit, notamment
constitutionnel, administratif, criminel et privé (alors qu'en France on
a le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat, et la Cour de Cassation
avec sa chambre criminelle et ses chambres civiles).
A) On y trouve un droit "à étages" qu'on pourrait synthétiser comme suit:
1)- Le foetus n'a pas de personnalité juridique (sinon on n'en finirait
pas, et on s'imagine ce que les anti-IVG dogmatiques - i.e. religieux -
pourraient en faire).
2)- Néanmoins, une personne peut attaquer un tiers qui lui aurait causé
du tort quand il était foetus.
Ça parait logique. Imaginez qu'un couple rentre de week-end en voiture,
la femme étant enceinte. Un trou du cul qui teste sa BM à 200 à l'heure
sur la nationale les explose. Le couple meurt, l'enfant naît
prématurément avec des séquelles neuro. Il faut bien que l'enfant puisse
faire cracher l'automobiliste imprudent au bassinet.
Et je rappelerai chez nous la décision symbolique de la Cour régionale
des pensions de Paris (22 nov 2001) qui a reconnu à Mohamed Garne, né
d'une mère algérienne violée par des militaires français en 1959, le
statut de victime de guerre. Cette décision est dûe au rapport du Pr
Louis Crocq, qui, tout psychiatre des armées et général qu'il soit, a
fait honneur au corps médical en osant mettre en cause le rôle des
mauvais traitements physiques infligés à la mère pendant les derniers
mois de la grossesse et la séparation précoce mère-enfant imposée par les
autorités dans des conditions traumatisantes, chacune de ces causes étant
imputable à la responsabilité de l'Etat français.
3)- Mais la mère est le plus souvent exclue d'un tel recours parce que
c'est sa mère et qu'on en finirait pas
4)- Sauf pour certains pays s'il s'agit d'un accident de voiture (ceci en
rapport avec le fait que l'assurance responsabilité civile est en ce cas
obligatoire).
B) Pays par pays (pour les points 3 et 4):
1) Etats-Unis
La jurisprudence américaine reste contradictoire sur la question de la
responsabilité délictuelle de la mère pour négligence commise avant la
naissance, y compris dans le cas d'un accident d'automobile responsable.
a) Le jugement Bonte c. Bonte (Cour Supr New Hampshire, 1992) reconnait
le droit de l'enfant à poursuivre. Mme Bonte avait été impliquée par sa
faute (non utilisation du passage piéton) dans un accident de voiture
durant sa grossesse. Le tribunal a conclu qu'une mère peut être
poursuivie par son enfant pour dommages prénataux.
b) Mais on a sinon des rejets:
- Grodin c. Grodin (Cour d'Appel Michigan, 1980) : Mme Grodin avait
consommé un médicament nommé tétracycline durant la grossesse, ce qui
avait provoqué une coloration des dents de l'enfant. Le tribunal a rejeté
le recours de l'enfant (pour des motifs liés à la nature des faits).
- Stallman c. Youngquist (Cour Supr Illinois, 1988) : Mme Youngquist
avait été impliquée par sa faute dans un accident d'automobile qui avait
causé un préjudice irréparable au foetus. Le tribunal a rejeté le recours
de l'enfant (pour des motifs liés aux droits de la femme et à la relation
mère-foetus)
- Cullotta c.Cullotta (Cour d'Appel l'Illinois, 1997) Mme Culotta avait
provoqué l'accouchement prématuré de son enfant dans un accident de
voiture par sa négligence. Le tribunal a rejeté le recours de l'enfant.
2) Canada
C'est l'affaire Dobson contre Dobson (Cour Suprême du Canada, 9 juillet
1999). Mme Dobson avait provoqué un accident de voiture suite auquel elle
avait accouché prématurément (27 semaines) d'un enfant qui a gardé des
séquelles mentales et physiques permanentes (IMC). Le tribunal n'a pas
reconnu la possibilité à l'enfant d'intenter un recours contre sa mère
pour les dommages prénataux qu'il a subi, en vertu des droits de la mère.
Je donne les références, car elles existent en français (pour ceux que ça
intéresse et qui ont le temps, parce que c'est copieux)
Discussion et arrêt sur le site de la Cour Suprême
www.lexum.umontreal.ca/csc-scc/fr/pub/1999/vol2/html/1999rcs2_0753.html
Discussion de la décision dans une revue juridique:
http://journal.law.mcgill.ca/arts/451avard.pdf
3) Grande Bretagne
Le Congenital Disabilities (Civil Liability) Act 1976, stipule:
- l'immunité maternelle en matière délictuelle pour la négligence commise
avant la naissance
- mais avec une exception limitée à l'égard de la négligence au volant.
4) Australie
C'est comme en GB:
(Lynch contre Lynch, Haute Cour d'Australie, 1991)
- l'immunité maternelle en matière délictuelle pour la négligence commise
avant la naissance
- mais avec une exception limitée à l'égard de la négligence au volant.
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Jean-Paul -- Ex foetus..