Bonjour, Certains m'ont interrogé ici sur mon statut tabagique. Je vous devais une réponse, mais je manquais de temps ces dernières semaines pour rédiger ce texte et pour faire face à d'éventuelles questions. J'espère que ce témoignage supplémentaire constituera une aide pour certains.
J'ai commencé à fumer à l'âge de 15 ans, bêtement, parce que je m'étais fabriqué une pipe avec un épi de maïs et un tube de bambou. J'étais alors très timide. Il me semble que le tabac m'a permis de m'affirmer. Ma consommation a vite augmenté, pour arriver à 2 paquets de Pall Mall sans filte par jour à la fin de mes études de médecine.
La cigarette a toujours fait partie de ma vie ; j'ai déjà, en manque, fumé des mégots roulés dans un bout de papier journal. Mon Zippo était le prolongement de ma main. Je fumais trois cigarettes à la suite après mon café du matin. Le soir, avant de me coucher après avoir passé 2 ou 3 heures devant mon ordinateur, je pouvais compter une vingtaine de mégots dans mon cendrier. Au test de dépendance à la nicotine, j'avais la note maximale.
J'ai arrêté 18 mois il y a 10 ans, et repris bêtement, avec la cigarette "pour voir". Tout vu. J'étais alors passé de 87 à 112 kg. Je mangeais quasiment sans m'arrêter. La reprise du tabac m'a fait redescendre à 93.
Petit à petit, la bronchite chronique s'est installée. J'ai 45 ans, et depuis 5 ans, je tousse 6 mois par an, y compris la nuit. La moindre bronchite dure 1 mois, je tousse à en devenir aphone. Je crache tous les matins pour me nettoyer les bronches.
Ma vie tourne beaucoup autour de la cigarette : je ne peux rien faire d'important sans fumer. Trouver le moment ou je vais fumer devient de plus en plus stressant, tant la vie du fumeur devient difficile partout avec des interdictions croissantes et parfois un peu sadiques. Je ne fume pas devant mes patients.
J'ai tenté plusieurs fois d'arrêter de fumer depuis 4 ans, chaque fois à l'occasion d'une mauvaise bronchite.
J'ai tout essayé : timbre, Prozac, Zyban. J'arrêtais un mois, puis je reprenais. Le Zyban me faisait dormir toute la journée (cette inversion d'effet doit être due à mon côté hyperactif). Lors de mon avant-dernier arrêt, j'étais dépressif et j'ai repris car je sentais que j'étais en danger.
Cela ne m'empêchait pas d'aider mes patients à arrêter de fumer. Il m'était facile de me mettre à leur place... Cela ne m'a pas empêché non plus de créer ce forum, à l'occasion de la sortie du Zyban sur lequel j'avais fait une page d'informations détaillées.
J'ai toujours eu l'impression que le fait que mon épouse fume était un frein total à mon arrêt. J'avais pensé trouver une solution en roulant mes cigarettes, mais j'ai fini par en fumer autant.
Mes fils me trouvait pathétique et me le disait. J'avais honte de moi.
Est-ce l'effet du forum ? Est-ce un mûrissement progressif de ma décision ? Toujours est-il que j'ai décidé d'arrêter de nouveau en décembre 2002. J'ai mis un timbre à 21 mg et je me suis lancé.
Les premiers jours ont été douloureux, surtout quand je voyais mon épouse fumer le soir après le repas. Je fumais une cigarette par-ci par-là, sans grand plaisir sous timbre. J'ai alors repensé au conseil d'un confrère, et au fait que je fumais 30 cigarettes roulées (tabac Pall Mall rouge) par jour, soit une dose de nicotine considérable, équivalente à 3 paquets de cigarettes fortes par jour.
J'ai alors fait ce que je ne peux vous recommander : j'ai doublé la dose en mettant 2 timbres à 21 mg. Mes oreilles bourdonnaient, j'étais un peu nauséeux, mais je n'avais plus envie de fumer. J'ai acheté des comprimés à la nicotine à tout hasard. J'ai du en prendre une douzaine en tout sur 15 jours. La brûlure infâme ressentie dans la bouche a participé à mon sevrage par l'association récompense_nicotine = punition_douleur.
Le lendemain, j'ai mis un timbre à 21 et un timbre à 14 mg, idem pendant quelques jours, puis je suis descendu en une dizaine de jours à un timbre à 21 mg (gardé la nuit) pendant un mois. J'ai suivi avec un mois à 14 puis un mois à 7 mg.
Mon sommeil était perturbé, j'étais un peu à l'ouest, mais je vivais cet arrêt dans une grande euphorie : je n'avais quasiment jamais envie de fumer, y compris en présence de fumeurs.
Je ne prends plus aucun substitut depuis 2 mois. Une vague envie de fumer m'envahit 2 ou 3 fois par mois, elle est balayée en quelques secondes par l'évocation du souvenir de l'irritation laryngée, de la toux, de la bronchite chronique qui a totalement disparu aujourd'hui.
J'ai l'intime conviction que le tabac est vraiment du passé pour moi. J'ai fait le deuil de la cigarette et je m'en porte bien. Beaucoup d'ex-fumeur m'avaient tenu ce discours "j'ai arrêté 10 fois, et la dernière a été la bonne". C'est exactement ce que je ressens actuellement.
Le fait que mon épouse fume ne me gêne en rien.
Si je n'ai besoin de faire aucun effort pour ne pas refumer, le poids est un problème important. J'avais initialement suivi un programme sportif régulier : 2 X 15 pompes par jour, 30 abdominaux, jogging 5 mn tous les jours et 30 mn le WE. Déplacements perso et pro à vélo.
Cela m'avait permis de ne pas faire de gras (j'ai un peu grossi mais surtout du muscle). Malheureusement, j'ai voulu trop en faire et j'ai du arrêter pour des tendinites et un mal de dos. J'ai alors rapidement grossi et je suis passé de 94 à 104 kg. Je mange beaucoup trop mais j'aime ça .
Je vais faire un peu de régime et reprendre le sport.
Heureusement, prévoyant, cela fait 5 ans que j'achète tous mes vêtements une taille trop grands.
Quand je vois les fumeurs au pieds des immeubles dans le rue, ou en sortant du métro, je ressens un mélange de compassion et de sentiment de supériorité
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Dr Dominique Dupagne Administrateur du Forum |